Comments – Collège La Cité

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Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche
160, rue Elgin,
Ottawa (Ontario), K1A 0W9

Courriel : secretariat@srcr-scrr.gc.ca

Bonjour,

Le Comité d’éthique de la recherche (CER) du collège La Cité, à Ottawa (Ontario), désire déposer auprès du Groupe en éthique de la recherche (GER) des trois Organismes et du Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche, certains commentaires sur deux sujets en particulier : 1) la proposition de révision des lignes directrices pour l’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités et 2) la proposition de lignes directrices sur le consentement général au stockage des données, à la conservation du matériel biologique humain et à leur utilisation. Les deux autres propositions de modification ne touchent pas notre institution.

Comme vous le savez sans doute, La Cité est le plus grand collège d’arts appliqués et de technologie de langue française de l’Ontario avec son campus principal à Ottawa, un campus satellite à Hawkesbury, le campus Alphonse-Desjardins à Orléans, sur lequel on retrouve le centre des métiers Minto ainsi qu’un bureau d’affaires à Toronto. Le collège offre plus de 140 programmes à quelque 5 000 étudiants et met de l’avant les valeurs d’excellence, d’audace, de confiance et d’intégrité.

En ce qui a trait à la recherche avec des participants humains, La Cité supporte des projets découlant de ses professeurs, mais collabore aussi avec des chercheurs provenant d’universités, de collèges, d’établissements de santé du secteur public, des organismes privés, des organisations à but non lucratif (OBNL) ou à des initiatives mises en place par des instances gouvernementales provinciales ou fédérales. Les projets de recherche sous l’autorité ou les auspices de La Cité se réalisent en grande partie en Ontario, mais aussi au Québec. Or, ces deux provinces sont sous des régimes législatifs différents qu’elle se doit de respecter selon les circonstances.

La Cité et son CER remercient bien sincèrement le GER et le Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche de cette consultation et pour la durée de celle-ci. C’est grandement apprécié.

Voici donc nos commentaires et questions touchant les deux premiers éléments de la consultation.

1) Proposition de révision des lignes directrices pour l’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités

Préambule:

1.1 Le CER reconnaît la difficulté que pose aux chercheurs la nécessité d’avoir à obtenir l’approbation éthique de nombreux CER lorsque vient le temps de mettre un projet en œuvre.

1.2 Par conséquent, le CER de La Cité reconnait la nécessité d’une forme d’évaluation éthique harmonisée tout en considérant que cette évaluation n’est ni une mesure administrative, ni l’exercice d’une science exacte.

1.3 Le CER accueille la proposition faite par le GER que la forme d’évaluation proposée puisse toucher autant la recherche à risque minimal (ligne 6) que la recherche présentant un risque plus que minimal (lignes 9 et 10) et qu’il s’agisse d’une question d’équilibre à trouver.

1.4 Le CER de La Cité aimerait souligner ce passage du chapitre 1, section C, portant sur le mode d’application de la Politique : « Lors de l’élaboration et de la conduite de la recherche ou de l’évaluation de l’éthique de la recherche, les chercheurs et les CER doivent tenir compte du point de vue du participant. » Par ailleurs, juste avant ce passage, on peut lire : « Le contexte juridique encadrant la recherche avec des êtres humains évolue sans cesse et varie selon la province ou le territoire. C’est pourquoi les CER et les chercheurs devraient connaître les lois applicables »... Nous nous demandons comment la proposition entend prendre en compte ces éléments.

1.5 Parmi les revues récentes de la littérature, certaines ont démontré une perte de confiance du public envers les organismes gouvernementaux et envers les chercheurs. En ce sens, il apparait important d’éviter toute approche ressemblant à l’expérience des NIH américains qui durent passer des Clinical Review Committees (CRC), axés sur la place prépondérante des chercheurs, vers les Institutional Review Boards (IRB) afin de permettre une prise en compte adéquate du respect, de la protection des participants et de la perspective de la société.

Commentaires spécifiques :

Lignes 15 à 25 : Les exemples proposés sont tirés essentiellement de modèles du réseau de la santé et du milieu universitaire. Par ailleurs, certains de ces modèles ont été imposés sans que des parties prenantes comme les CER ne soient impliquées.

Nous nous questionnons sur l’applicabilité de ces modèles à des disciplines hors du secteur biomédical et à des institutions collégiales qui, si elles veulent recevoir un financement des trois Organismes, doivent signer l’Entente sur l’administration des subventions et des bourses des organismes par les établissements de recherche.

Ceci nous amène aussi à nous poser la question de la compétence des CER évaluateurs qui doivent prendre en considération l’application de l’article 6.3 selon laquelle : « En fixant la portée du mandat d’un CER, l’établissement doit préciser clairement l’autorité du CER pour couvrir une gamme de recherche compatible avec les compétences disciplinaires du CER. » Se pose également la question des recherches multi, pluri ou interdisciplinaire de même que celle des méthodes de recherche mixtes (ex. comment abordé l’évaluation éthique de projets, par exemple, en « exposomique ».

Lignes 34 à 36 : On pose un constat, mais a-t-on documenté les raisons du choix de ces CER de ne pas prendre part à certains des mécanismes proposés au chapitre 8 de l’EPTC2? Si oui, il aurait été intéressant d’en mentionner les raisons dans ce document pour mieux appuyer le choix proposé.

Lignes 45 et 46 : On indique que « il ne semble pas y avoir d’élément établissant que de multiples évaluations de l’éthique améliorent la protection offerte aux participants à la recherche. » Pourtant, les expériences de membres de CER, l’existence de milieux aux caractéristiques uniques comme celui en recherche-création et la très grande variabilité de la compréhension et de l’application des principes de l’EPTC2 semblent orienter dans une autre direction. Il en découle par exemple une grande différence de la perception du risque selon les points de vue. Ici aussi, il aurait été intéressant de documenter la situation sur le terrain.

Sans des fondements démontrés par des données probantes, il ne nous apparaît pas que la ligne directrice proposée s’avère à ce point essentielle. D’autres options devraient être prises en considération. Or, on ne laisse pas entendre, dans le document, que tel fut le cas. Une telle démarche serait préalable à l’imposition du modèle proposé afin de pouvoir prendre une décision éclairée en particulier en ce qui concerne la recherche à risque plus que minimal.

Nous ne questionnons pas, de manière générale, les fondements et la portée des lignes directrices décrites à partir de la ligne 67, nous soulignons toutefois qu’il aurait été souhaitable de citer tout le paragraphe auquel il est fait référence au chapitre 1, section C pour mieux en éclairer le contexte.

Nous aimerions aussi souligner l’usage du conditionnel dans la phrase à la ligne 79 qui fait en sorte que la perspective proposée ne semble pas reposer sur des données probantes. Et, comprenons-nous bien ce paragraphe selon lequel le chercheur ferait une première évaluation éthique de son projet et le CER une deuxième (linge 83 – L’évaluation par un CER unique offre une deuxième occasion de tenir compte de l’impact éthique de la recherche...)? Si tel est le cas, qu’en serait-il alors de la prise en considération des conflits d’intérêts réels, potentiels ou apparents.

Aux lignes 106 à 109, il est fait mention qu’ « idéalement, une seule personne dans chaque CER serait chargée de passer en revue et de reconnaître ces décisions. » Considérant la nature des projets (tant à risque minimum qu’à risque plus que minimum), ne devrait-il pas y avoir au moins deux personnes ayant les connaissances, les compétences et l’expérience requises qui passent en revue toute décision d’un CER extérieur. Ces personnes ne devraient-elles pas faire rapport au CER de leur décision sur une base régulière? Si une des deux personnes a une position divergente, la décision ne pourrait-elle pas être amenée alors au CER? Et qu’arriverait-il si le CER prend une décision différente? Nous reconnaissons qu’une telle procédure allongerait le processus, mais elle aurait pour effet d’assurer la prise en considération des participants locaux, premier objectif de l’évaluation éthique. Les décisions prises par une seule personne font en sorte d’inclure une grande variabilité décisionnelle comme nous l’avons vu fréquemment sur une base expérientielle.

Existe-t-il des données probantes impliquant tant un volet quantitatif qu’un volet qualitatif démontrant que les circonstances locales sont effectivement prises en compte? L’expérience terrain de CER couvrant différents champs et secteurs en contexte postsecondaire nous en fait grandement douter.

Lignes 121 et 122 : Qu’en est-il de la responsabilité pour les projets à risque plus que minimal si comme on l’indique aux lignes 118 et 119, que la proposition « pourrait être étendue à la recherche présentant un risque plus que minimal?

Lignes 124 et suivantes : Et qu’en est-il de la responsabilité des institutions? Quels sont les impacts éthiques et légaux de cette ligne directrice si on considère que dans l’application de 6.1, les établissements sont responsables des recherches menées sous leur autorité ou leurs auspices? Les CER évaluateurs font-ils en sorte que toute la recherche qu’ils évaluent, peu importe le lieu de réalisation, deviennent la responsabilité de leur institution d’attache qui peut être sous un régime éthique et légal différent faisant en sorte que la définition de concepts peut s’avérer aussi différente selon les lieux (ex. Common Law et Code civil, recherche multi ou pluridisciplinaire, cadres éthiques ou en conduite responsable ayant des différences, contextes législatifs particuliers ou plus spécifiquement la différence qui existe au Canada et même dans certaines provinces sur l’application de la notion de mineur et ce qu’elle implique)?

Lignes 145-146 : Selon la référence faite, est-ce à dire que même la recherche effectuée dans un autre pays serait concernée? Si c’est le cas, la problématique se complexifie, car les situations divergent à moins d’avoir une connaissance fine et expérientielle du lieu de réalisation.

À notre avis, la communication entre CER devrait être une voie alternative obligatoire pour envisager une certaine « harmonisation » des décisions.

Enfin, tout délai de décision (ex. 3 semaines) dépend des ressources mises à la disposition d’un CER, du volume des recherches et de la particularité d’un contexte (ex. milieu universitaire vs milieu collégial).

2) Proposition de lignes directrices sur le consentement général au stockage des données, à la conservation du matériel biologique humain et à leur utilisation

En ce qui nous concerne, l’expression « consentement général » diffère de celle de « consentement large », ou encore « consentement élargi ». À titre d’exemple, la proposition de métaconsentement concernerait plus la deuxième expression que la première. Ce qui nous est proposé ici relève plus de la notion de consentement général.

Nous débutons cette section en posant une question : Le processus de consentement prenant racine dans le principe de respect des personnes alors comment la notion de consentement général permet de tenir compte que « le respect des personnes présuppose que les personnes qui participent à la recherche le font volontairement, avec une compréhension aussi complète que raisonnablement possible de l’objet de la recherche, de ses risques et de ses avantages potentiels »? (EPTC2, chapitre 3, Introduction) Le consentement devient-il alors un phénomène de cooptation de la volonté du participant à la volonté du chercheur?

En d’autres mots, il ne nous apparaît pas évident que le consentement général soit un vraiment un consentement éclairé, car aucune des parties ne connaît l’usage qui sera vraiment faite des données et des échantillons (voir ici l’expérience bien documentée des Nuu-Chah-Nulth). Comment un chercheur peut-il échanger avec les participants d’un projet de recherche dont il ne connaît pas encore l’existence, les bienfaits et les risques?

Par ailleurs, en recherche comme dans d’autres contextes de la vie, la notion de consentement a la même connotation et devrait s’appliquer de la même façon. Plusieurs présentations tout à fait récentes dans le milieu de la recherche et ailleurs ont démontré la nécessité d’un consentement spécifique (ligne 20-21) afin d’éviter des abus possibles et parfois réels.

Nous vous invitons par ailleurs à prendre en compte le projet de loi 64, ayant reçu récemment la sanction de l’Assemblée nationale (Québec), qui précise à l’article 9, pour la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, qu’ « un consentement prévu à la présente loi doit être manifeste, libre, éclairé et être donné à des fins spécifiques. ».

Par ailleurs, le contexte d’accès aux données est en changement profond, changement qu’on présente parfois comme un changement de culture. Il nous apparaît donc prématuré de faire la proposition d’un consentement général, car de nouveaux concepts sont envisagés comme celui de patrimoine numérique gouvernemental. Cette situation pourrait avoir un effet même sur la proposition précédente puisque peu de chercheurs et de CER sont informés de ces changements.

Ligne 50 : Qu’en est-il ici de la notion de fiduciarité et de ses implications? Le concept est totalement absent de la proposition alors qu’on la retrouve explicitement énoncée dans plusieurs textes dont les cadres de gestion des banques de données et biobanques.

Par ailleurs, toute cette section donne une grande place aux chercheurs et aux responsables des stockages alors qu’elle réduit la place des CER à un minimum ce qui nous surprend à la lumière de l’applicabilité de la notion de conflits d’intérêts.

Ligne 62 : il nous apparaît particulier que la proposition fasse état de questions qui sont hors de la portée de l’EPTC2 et que cette situation serve de toile de fond à la proposition.

Ligne 100 : Pour compléter la réflexion, nous devrions avoir accès à une interprétation dont on indique déjà qu’elle existera.

Ligne 102 : Comme questionné précédemment, le concept de consentement général éclairé ne relève-t-il pas de l’oxymore? Comment consentir de manière éclairée à quelque chose qu’on ne connaît pas tant au niveau des bénéfices que des risques?

Et qu’en est-il du consentement dit « général » pour des mineurs (définition variable) et des majeurs inaptes de manière passagère ou permanente?

Ligne 120 : Il est particulier de mentionner ici le point de vue du participant et l’importance des contextes alors qu’on les minimise ailleurs dans cette proposition et dans la précédente.

Lignes 152-155 : Ces lignes représentent une certaine ambiguïté du texte. Il est question, en grande partie, de consentement général alors que dans d’autres on glisse parfois vers le consentement élargi comme ici lorsqu’on parle de décrire les fins auxquels les données seront utilisées. Quant à l’identification de groupes, des utilisations potentielles ou à la présence de renseignements identificatoires, leur inclusion peu nous ramener vers la nécessité d’un consentement spécifique. Sur ce dernier point, une question très actuelle se pose : est-ce que toutes les données peuvent être comparées à une ressource ou même une matière première comme on retrouve dans certains développements scientifiques récents?

Ligne 161-162 : Se pourrait-il que la phrase en français soit incomplète?

Ligne 192-194 : Comment peut-on déterminer les bienfaits et les risques d’un projet de recherche qu’on ne connaît pas (si on a la littératie suffisante pour ce faire... ce qui n’est pas toujours le cas) et comment alors s’y opposer comme participant. Certaines banques de données et de matériels ont des durées de vie de plus de vingt ans. Si on retourne plus de 20 ans dans l’évolution de la recherche, l’apprentissage machine, l’apprentissage profond, les réseaux de neurones, la recherche en intelligence artificielle, n’existait pas, à tout le moins dans leur forme actuelle. Dans cette perspective, que penser de l’initiative patient-partenaire et des questions éthiques qui en découlent ainsi que de l’approche de science ouverte. Et les IRSC venaient à peine d’être créées (2000) en remplacement du RCM ce qui a conduit à des orientations différentes dans le champ de la recherche.

Ligne 197 : L’utilisation de ce barème nous semble faire en sorte qu’on passe d’un consentement général à un consentement élargi. Plusieurs éléments dans ce qui suit marquent aussi ce passage. On semble donc passer indistinctement d’un type de consentement à un autre.

Ligne 198 : Comment déterminer le nom de commanditaires et des bailleurs de fonds de même que les possibles conflits d’intérêts si on ne connaît pas les projets qui seront mis de l’avant. Il y a la question du financement du stockage, mais aussi des projets qui pourraient utiliser le contenu des banques. Un exemple de l’inconnu est l’histoire de De Code Genetics qui est passée du secteur gouvernemental au secteur privé.

Ligne 246 – 254 : Enfin, le résumé qui est fait de la proposition est intéressant, car on y note la mention des chercheurs, du dépôt et des chercheurs-usagers, mais la totale absence du CER. Par ailleurs, rien ne démontre hors de tout doute que le consentement général et le consentement spécifique repose sur les mêmes principes quand il est question d’obtenir un consentement qui soit vraiment éclairé.

Michel Bergeron, président
CER du collège La Cité,
Ottawa (Ontario)

Éthicien œuvrant dans le domaine interdisciplinaire de l’éthique et de la conduite responsable en recherche.

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