La recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux exige-t-elle une évaluation par un comité d'éthique de la recherche?
Lignes directrices à l'appui de la mise en œuvre de l'EPTC 2 (2022)
Table des matières
Partie I : Contexte
Partie II : Lignes directrices
- La recherche effectuée à l'aide des plateformes de médias sociaux exige-t-elle une évaluation par un CER?
- Considérations et questions éthiques générales relatives à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux
Partie III : Mise en application
- Scénarios
- Scénario 1 : Collecte de renseignements de forums fermés
- Scénario 2 : Recherche utilisant des renseignements du domaine public
- Scénario 3 : Recherche sur des personnalités publiques
- Scénario 4 : Chercheur en relation avec les participants
- Scénario 5 : Recherche faisant appel au couplage de données
- Scénario 6 : Recherche participative avec possibilité d'identification lors de la diffusion
Partie I : Contexte
1. Introduction
Le recours aux plateformes de médias sociaux offre au milieu de la recherche de nouvelles voies et possibilités d'accès à l'information qui est générée par leurs utilisateurs, en plus d'élargir le bassin de participants éventuels à la recherche, de comprendre et d'évaluer le comportement humain dans de nouveaux contextes et de faciliter la collecte de renseignements de sources qui seraient autrement difficiles d'accès. Cependant, l'emploi de ces plateformes pour la collecte de données de recherche soulève aussi des enjeux, des questions et des considérations éthiques propres à ce contexte et peut comporter divers niveaux de risque.
Les chercheurs sont susceptibles d'appliquer des méthodes variées ou mixtes lorsqu'ils se servent des plateformes de médias sociaux pour recueillir des données ou recruter des participants. Ils peuvent interagir directement avec ces derniers, par exemple en leur demandant de répondre à des sondages ou d'effectuer certaines tâches, ou alors ils peuvent utiliser les renseignements numériques stockés dans les plateformes, notamment en procédant au moissonnage (une technique par laquelle un programme informatique extrait des données de sortie lisibles sans aide qui proviennent d'un autre programme), à l'observation ou à l'enregistrement de l'information conservée dans les plateformes. Ils peuvent aussi observer les tendances et les comportements des utilisateurs des médias sociaux en temps réel, comme leurs réactions à une diffusion en direct.
Le Groupe en éthique de la recherche des trois organismes propose les présentes lignes directrices afin de soutenir davantage les comités d'éthique de la recherche (CER) et les membres du milieu de la recherche quant au processus d'évaluation de l'éthique de la recherche et à la conduite éthique des travaux faisant appel à de l'information qui se trouve dans les plateformes de médias sociaux ou qui a été recueillie de celles-ci (ce qu'on entend par la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux dans le présent document). Les lignes directrices visent à appuyer les initiatives de sensibilisation de la communauté et la prise en compte de considérations contextuelles dans l'application de l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains – EPTC 2 (2022) aux travaux effectués à l'aide des plateformes de médias sociaux.
2. Portée
Une évaluation par un CER est exigée pour toute recherche avec des êtres humains qui fait appel aux plateformes de médias sociaux, à une exception, soit lorsque les participants n'ont aucune attente raisonnable en matière de respect de la vie privée et l'information est du domaine public.
Le présent document indique si, et le cas échéant dans quelles circonstances, une évaluation par un CER est exigée pour une recherche à l'aide de plateformes des médias sociaux. D'autres préoccupations éthiques (comme le respect de la vie privée, la confidentialité et le consentement) associées à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux seront abordées dans de prochains documents d'orientation. Étant donné la nature changeante de la recherche numérique et des plateformes de médias sociaux, les présentes lignes directrices et celles ultérieures sur l'éthique de la recherche à l'aide des plateformes numériques évolueront probablement en fonction des commentaires du milieu, des progrès technologiques et de la modification des pratiques dans les disciplines de recherche.
À l'instar de l'EPTC 2, ces lignes directrices sont destinées à s'appliquer au large éventail de la « recherche » avec des « êtres humains » telle que la Politique la définit et qui s'inscrit dans sa portée (voir interprétation de l'EPTC 2, Portée #1 et les notes d'application de l'article 2.1). Le présent document est censé être appliqué au cas par cas dans le contexte spécifique de la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux. Il ne traite pas de l'ensemble des types ou des méthodologies de recherche ni de la totalité des plateformes et ne peut le faire. Dans le cas des exceptions ou des situations qui ne sont pas abordées, l'évaluation par un CER devra se fonder sur les principes directeurs de l'EPTC 2 (voir l'article 1.1).
Dans les présentes lignes directrices, certains types de plateformes de médias sociaux ne sont mentionnés qu'à titre indicatif. Il existe une variété de types qui servent à différentes fins et proposent des fonctionnalités distinctes à leurs utilisateurs. Ainsi, Twitter permet aux titulaires de profil de partager de l'information de leur compte sous forme de gazouillis. YouTube, une autre plateforme de médias sociaux, permet aux titulaires de compte de téléverser des vidéos et de choisir le type de public avec lequel ils veulent les partager à l'échelle mondiale. Certaines plateformes, comme Facebook, proposent des options permettant aux utilisateurs de créer des profils personnels et de partager du texte, des vidéos et des photographies en privé ou en public avec leur réseau social. Grâce à Instagram et à TikTok, les gens peuvent créer, voir et partager de brèves vidéos. LinkedIn constitue un exemple de plateforme axée sur l'identité professionnelle, où les titulaires de profil font part de leurs antécédents professionnels et de renseignements personnels à leur réseau d'affaires. Enfin, des plateformes numériques comme Airbnb, Yelp et Expédia peuvent ne pas être considérées officiellement comme des plateformes de médias sociaux, mais elles offrent du contenu d'utilisateurs sous la forme de critiques et de recommandations.
Certaines plateformes peuvent être populaires auprès de certaines communautés ayant des caractéristiques communes (p. ex. une maladie rare), vivant des situations semblables ou partageant des opinions politiques. D'autres peuvent être plus souvent utilisées par un groupe d'âge en particulier. Par exemple, Snapchat est une plateforme de partage d'images dont se servent habituellement les adolescents et les jeunes adultes pour échanger avec leurs amis à l'aide de photos et de vidéos à durée de vie limitée. Le contexte et la communauté desservie par la plateforme seront pris en compte lors de l'évaluation de certains des risques inhérents à la recherche proposée.
Les présentes lignes directrices ne portent pas sur les plateformes de médias sociaux en soi, mais plutôt sur les considérations éthiques entourant un projet de les utiliser ou de se servir de l'information qu'elles produisent à des fins de recherche. La plupart des plateformes de médias sociaux soulèvent des enjeux éthiques semblables. On s'attend à ce qu'une bonne partie des lignes directrices qui sont proposées dans le présent document s'appliquent aussi à d'autres types de plateformes numériques utilisées publiquement comme des sites Web, des plateformes de connaissances (p. ex. SharePoint) ou des plateformes axées sur les services qui recueillent et publient des critiques provenant d'utilisateurs (comme Airbnb et Yelp).
3. Information produite sur les plateformes de médias sociaux
Habituellement, les personnes produisent volontairement de l'information sur les plateformes de médias sociaux dans l'intention de les communiquer à leurs réseaux ou à leurs abonnés. En général, la plupart des utilisateurs n'ont pas spécifiquement l'intention de créer, de partager ou d'archiver de l'information dans les plateformes en vue de leur utilisation comme données de recherche. L'information publiée dans les plateformes peut concerner le titulaire du compte ou du profil, mais aussi d'autres personnes en relation avec lui. La plupart des plateformes permettent aux gens de créer des profils personnels et de téléverser de l'information ou du contenu multimédia pour le partager avec leur réseau social en privé, en public ou avec certaines limites et conditions. Certains comptes de médias sociaux sont créés par des particuliers qui s'attendent à ce qu'on respecte leur vie privée, tandis que d'autres peuvent être conçus par ou pour des personnalités publiques afin de tisser des liens et de diffuser de l'information dans le domaine public.
En règle générale, les renseignements créés par les utilisateurs de médias sociaux ne sont pas produits sous forme de données de recherche, mais ils le deviennent lorsque des chercheurs les recueillent, les copient ou les téléchargent pour les analyser au moyen de diverses méthodes de recherche. Ils peuvent être combinés avec d'autres renseignements, par exemple à l'aide d'une interface de programmation d'applications. Lorsque leurs données sont ciblées à des fins de recherche, les utilisateurs deviennent des participants éventuels. Lorsqu'elles sont utilisées dans un projet, ces personnes deviennent des participants.
Types de recherches à l'aide des plateformes de médias sociaux
La recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux peut être menée dans n'importe quelle discipline. Elle peut être interactive ou non, prospective, ou par observation, et chaque type peut comporter des niveaux de risque différents. Les chercheurs peuvent se servir de l'information déjà stockée dans les plateformes de médias sociaux. Il peut y avoir une utilisation principale ou secondaire des renseignements recueillis aux fins de recherche. Il y a aussi des possibilités de couplage des données, ce qui soulève des préoccupations éthiques supplémentaires.
- Utilisation principale de l'information : l'information est recueillie de façon prospective auprès d'utilisateurs des plateformes de médias sociaux à des fins de recherche.
- Utilisation secondaire de l'information : l'information a été créée par les utilisateurs des plateformes à d'autres fins, probablement personnelles dans ce contexte, et sert maintenant à la réalisation d'une recherche (voir l'introduction de la section D du chapitre 5).
Partie II : Lignes directrices
4. La recherche effectuée à l'aide des plateformes de médias sociaux exige-t-elle une évaluation par un CER?
Les lignes directrices de l'EPTC 2 s'appliquent à une telle recherche, peu importe qu'il s'agisse d'une utilisation principale ou secondaire de l'information, comme dans d'autres contextes où les chercheurs et les participants sont physiquement éloignés et où la communication doit se faire à distance ou virtuellement. Lorsqu'elle fait l'objet d'une utilisation principale ou secondaire à des fins de recherche, l'information recueillie à l'aide des plateformes de médias sociaux est assujettie à la définition de « participants humains » de l'EPTC 2, qui se lit comme suit : « les personnes dont les données, le matériel biologique, les réactions ou les réponses à des interventions, des stimuli ou des questions de la part des chercheurs sont utilisés pour répondre aux questions de recherche » (voir les notes d'application de l'article 2.1).
La recherche qui fait appel aux plateformes de médias sociaux pour la collecte de nouveaux renseignements ou l'utilisation de données existantes doit être évaluée par un CER, à moins qu'elle remplisse l'un des critères d'exemption énoncés dans l'EPTC 2. Le chapitre 2 de la Politique précise des exemptions possibles à l'exigence d'évaluation par un CER, lorsque d'autres mécanismes de protection que le comité sont offerts. Les articles 2.2 et 2.3 sont particulièrement pertinents dans ce contexte-ci.
Applicabilité de l'article 2.2
L'article 2.2 stipule ce qui suit :
Il n'y a pas lieu de faire évaluer par un CER les recherches qui sont fondées exclusivement sur de l'information qui est :
- accessible au public par un mécanisme établi par la loi ou la réglementation et qui est protégée par la loi;
- du domaine public, et que les personnes concernées n'ont pas d'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.
L'exemption à l'exigence de l'évaluation par un CER prévue à l'alinéa 2.2a ne s'applique pas à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux. L'information contenue dans ces plateformes est peut-être accessible au public, mais elle ne l'est pas par un mécanisme établi par la loi ou la réglementation. De plus, elle n'est pas protégée par un détenteur ou un gestionnaire de données désigné par la loi.
Selon l'alinéa 2.2b, il faut remplir deux critères pour que la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux soit exemptée de l'évaluation : i) l'information doit être du domaine public (voir les précisions à la section 4a du présent document) et ii) les personnes concernées n'ont pas d'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée (voir les précisions à la section 4b). Par exemple, « l'évaluation par un CER n'est pas exigée pour les recherches qui reposent exclusivement sur du cybermatériel, comme des documents, des enregistrements, des spectacles, du matériel d'archives ou des entrevues de tiers publiées auxquels le public a librement accès sur Internet et pour lesquels il n'y a pas d'attente en matière de respect de la vie privée » (notes d'application de l'article 2.2). Il convient de noter que, si le droit à la vie privée a été perdu par la publication de données qui ont été volées ou dont la diffusion n'a pas été autorisée, l'attente originelle en matière de protection de la vie privée subsiste. La recherche ne respecterait donc pas les critères d'exemption de l'évaluation par un CER.
En principe, l'EPTC 2 précise que, lorsqu'on sait que les fournisseurs de renseignements sur les plateformes de médias sociaux ont des attentes en matière de respect de la vie privée, la recherche utilisant cette information doit faire l'objet d'une évaluation par un CER. C'est le cas, par exemple « [d]ans le cas de l'accès à des renseignements identificatoires dans des sites numériques, tels que des groupes en ligne dont l'accès est réservé aux membres » (voir les notes d'application de l'article 2.2).
En cas de doute sur l'exigence d'une évaluation, les chercheurs devraient consulter leur CER.
Applicabilité de l'article 2.3
L'article 2.3 stipule ce qui suit :
La recherche faisant appel à l'observation de personnes dans des lieux publics ne nécessite pas d'évaluation par un CER si les conditions suivantes sont réunies :
- la recherche ne prévoit pas d'intervention planifiée par le chercheur ou d'interaction directe avec les personnes ou les groupes;
- les personnes ou les groupes visés par la recherche n'ont pas d'attente raisonnable en matière de respect de la vie privée;
- la diffusion des résultats de la recherche ne permet pas d'identifier des personnes en particulier.
L'article 2.3 s'applique à la « recherche par observation non participative » (également appelée « recherche par observation naturaliste ») qui étudie des gestes ou comportements humains dans un cadre naturel où des chercheurs, n'intervenant d'aucune manière dans l'activité, observent des personnes qui vaquent à leurs activités normales, au su ou à l'insu de ces personnes. Cet article s'applique lorsque le chercheur recueille des données par observation, par exemple, des données provenant de séances de clavardage ou de l'observation des activités en ligne de personnes et de comptes ou de profils jugés accessibles au public (voir la section 4a du présent document). La détermination de ce qui constitue une observation dans le contexte de la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux représente un facteur déterminant (voir recherches par observation au chapitre 10).
Les conditions énoncées aux alinéas 2.3a et 2.3c sont des éléments dont le chercheur a le contrôle lors de la planification du devis de recherche, de la méthode et du plan de diffusion. Cependant, un facteur déterminant pour cette exemption consiste à établir si les participants éventuels ont une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée (voir la section 4b du présent document).
En cas de doute sur l'exigence d'une évaluation, les chercheurs devraient consulter leur CER.
4a. L'information contenue dans les plateformes de médias sociaux est-elle considérée comme étant « privée » ou « du domaine public »?
L'information contenue dans les plateformes de médias sociaux peut aussi bien être considérée comme étant privée et du domaine public. Il peut être difficile de faire la distinction entre les deux. Par exemple, les utilisateurs de médias sociaux s'inscrivent à une plateforme avec des données personnelles, comme leur adresse courriel et des renseignements démographiques, même si le contenu qu'ils produisent sur la plateforme est public.
Lorsqu'un compte est enregistré comme étant privé, les chercheurs n'auront habituellement pas accès à l'information contenue dans la plateforme à moins d'obtenir le consentement de l'utilisateur ou du participant éventuel.
Si l'information est accessible au public, elle pourrait être considérée comme étant du domaine public. Cependant, il y a un éventail de questions, notamment d'accès, dont il faut tenir compte pour déterminer si du contenu est du domaine public à des fins de recherche. Voici des exemples d'éléments à prendre en compte :
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L'intention des utilisateurs de mettre leur information à la disposition d'autrui
Avant de créer un profil, les utilisateurs des plateformes de médias sociaux doivent accepter les conditions d'utilisation de celles-ci. Ils peuvent être en mesure d'ajuster les paramètres de confidentialité selon leurs préférences. Dans certains cas, ils peuvent – ou non – avoir tenu compte de toutes les conséquences de leur sélection de paramètres et être bien au fait des renseignements qui sont accessibles à autrui, par défaut ou par choix. Certaines plateformes donnent à leurs titulaires de compte un plus grand degré de contrôle que d'autres. Par exemple, les titulaires de profil peuvent gérer leurs propres paramètres de confidentialité en conservant leur compte privé ou en choisissant de mettre son contenu, en tout ou en partie, du domaine public. Par ailleurs, certains paramètres permettent aux utilisateurs de contrôler leur auditoire et de décider ainsi activement de ce qu'ils rendent public et du type de contenu qu'ils partagent avec des contacts ou un groupe donné.
Si les renseignements contenus dans les plateformes de médias sociaux ont été créés par leur utilisateur dans l'intention de les rendre disponibles dans le domaine public sans restriction, ils peuvent alors être considérés comme étant accessibles à autrui, y compris à des fins de recherche. Parmi les types de renseignements qui sont du domaine public et librement accessibles (c.-à-d. sans restriction), on trouve les commentaires sur les vidéos dans YouTube ou les mots-clics par lesquels les gens veulent faire connaître leur opinion sur des sujets donnés. Il peut aussi s'agir de vidéos diffusées par des personnalités publiques, comme des politiciens, des influenceurs, des athlètes ou des acteurs, pour qu'elles soient accessibles dans le domaine public et sans attente en matière de respect de la vie privée. Dans de tels cas, l'information est destinée à être accessible au public sans avoir besoin d'une autorisation, d'une permission ou d'un consentement supplémentaire et est susceptible d'être exemptée d'une évaluation par un CER.
Il est parfois difficile de distinguer l'information privée de celle du domaine public. Même si ce n'est pas le cas pour certains utilisateurs, cette difficulté découle probablement de plusieurs facteurs et peut être attribuée à la vulnérabilité des gens dans le contexte de leur participation à la recherche. Il est notamment possible que les utilisateurs (les participants éventuels) ne soient pas en mesure de distinguer ce qui est public de ce qui est privé en raison d'un manque de connaissances ou d'une incapacité en raison de l'âge, d'un déficit cognitif ou de troubles de santé mentale. Il faut aussi tenir compte des différentes perspectives culturelles sur ce qui est considéré comme étant privé par opposition à public (voir aussi la section 4b du présent document).
En cas d'incertitude sur le caractère privé ou public de l'information, les chercheurs pourraient se demander ce à quoi une personne pourrait raisonnablement s'attendre dans les circonstances (voir les précisions à la section 4b). Si l'incertitude persiste, ils devraient consulter leur CER et envisager de demander l'avis de la communauté cible. À leur CER, ils doivent fournir les renseignements pertinents et assez de précisions afin de permettre la prise d'une décision commune sur ce qui est public par opposition à ce qui est privé. Au besoin, les CER pourraient songer à se doter d'un membre permanent possédant cette expertise, à faire appel à un conseiller spécial (conformément à l'article 6.5) doté des connaissances nécessaires, ou encore à exiger des chercheurs qu'ils obtiennent conseil sur la question.
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Conditions d'utilisation de la plateforme
Lorsque certaines conditions d'utilisation restreignent la production, l'usage et la distribution de l'information sur une plateforme de médias sociaux, cette information peut être accessible au public mais ne peut pas servir aux fins de recherche, à moins que les conditions soient respectées. Par exemple, les chercheurs pourraient avoir à présenter une demande officielle d'information à l'administrateur de la plateforme et à obtenir l'accès conformément aux critères établis.
En réponse aux besoins et aux préoccupations des utilisateurs, les administrateurs de certaines plateformes de médias sociaux où l'accès était libre totalement ou en grande partie ont modifié leurs paramètres de façon à restreindre davantage l'accès du public à l'information, notamment par des protections supplémentaires. À titre d'exemple, Instagram et Facebook ont imposé des limites au moissonnage. Les chercheurs doivent donc savoir que les conditions d'utilisation des plateformes de médias sociaux peuvent changer et qu'il leur incombe de respecter les politiques en vigueur sur la sécurité des données et des sites lorsqu'ils utilisent ceux-ci.
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Droits d'auteur et propriété intellectuelle
Dans certains cas, les renseignements numériques peuvent être accessibles au public, mais être assujettis à des droits d'auteurs, à des droits de propriété intellectuelle ou à des restrictions de diffusion. L'information appartient – et sa protection revient – aux personnes qui la contrôlent; sa collecte est donc interdite sans leur permission. Dans ces circonstances, il faut par conséquent obtenir par écrit une permission en bonne et due forme de la personne ou de l'entité légalement autorisée avant d'utiliser l'information à des fins de recherche.
On attend des chercheurs qu'ils réduisent au minimum les risques d'atteinte à la vie privée et conçoivent des mesures de protection pour dépersonnaliser les données, en particulier lorsqu'ils recourent au couplage de données. Bien que cela ne soit pas toujours possible, ils doivent réduire au minimum les risques pour la communauté ou le groupe à l'étude quand ils réalisent leurs travaux et diffusent leurs résultats. Ils doivent notamment repérer les identificateurs directs ou indirects d'une personne ou d'une communauté et voir à ce que des mesures soient prises pour les supprimer, ou pour dépersonnaliser ces renseignements d'identification ou les remplacer par de faux identificateurs appelés pseudonymes ou par d'autres codes de dépersonnalisation. Les chercheurs doivent être conscients que les circonstances propres aux personnes ou aux groupes sont susceptibles de les rendre vulnérables dans le contexte des travaux de recherche. Par conséquent, il leur faut tenir compte des préoccupations relatives au respect de la vie privée et à la confidentialité même lorsque l'information est du domaine public. Les lois ou les règlements sur la protection de la vie privée sont susceptibles de s'appliquer et varient selon la province ou le territoire (voir les articles 5.1 à 5.3). Les enjeux liés au respect de la vie privée et à la confidentialité dans la conduite et l'évaluation de la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux seront abordés dans un prochain document d'orientation.
4b. Les participants ont-ils une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée?
L'EPTC 2 reconnaît que « [c]ertains sites numériques du domaine public comportent des attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée. Les attentes en matière de respect de la vie privée sont parfois décrites dans les conditions d'utilisation des sites. Dans le cas de l'accès à des renseignements identificatoires dans des sites numériques, tels que des groupes en ligne dont l'accès est réservé aux membres, les attentes en matière de respect de la vie privée des personnes concernées sont nettement plus élevées. Les recherches utilisant de l'information provenant de sources de ce type doivent être soumises pour être évaluées par un CER (article 10.3) » (voir les notes d'application de l'article 2.2).
Il est difficile de déterminer les attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée des personnes en général parce qu'il s'agit d'une évaluation subjective. Celle-ci est encore plus ardue lorsqu'elle s'effectue en ligne étant donné qu'il est difficile de vérifier l'identité des gens.
Voici quelques considérations dont il faut tenir compte lors de l'évaluation de l'attente raisonnable d'une personne en matière de respect de la vie privée :
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Le contexte de la recherche et les risques connexes : Les CER et les chercheurs doivent prendre en considération la nature du sujet étudié, la question, le devis et la méthodologie de recherche ainsi que le niveau de risque de préjudice possible pour les participants éventuels. C'est d'ailleurs du point de vue de ces derniers qu'il faut évaluer les risques, notamment ceux liés à la réputation, à l'employabilité ou à la situation financière ainsi que les risques d'embarras ou même de poursuites judiciaires si leur information est divulguée.
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La vulnérabilité des participants éventuels dans le contexte de la recherche : Il faut notamment tenir compte de la nature délicate des renseignements recueillis et examiner les rapports entre les circonstances propres aux personnes et aux groupes que les chercheurs veulent recruter et la question de recherche proposée. Dans les médias sociaux, les publications sont susceptibles de renfermer de l'information de nature délicate sur des activités criminelles, des problèmes financiers, des troubles de santé mentale, des opinions politiques ou d'autres sujets potentiellement controversés ou susceptibles d'exposer des faits ou de donner lieu à des insinuations. Il se peut que les utilisateurs ciblés, c'est-à-dire les participants éventuels, génèrent des renseignements délicats sur eux-mêmes ou d'autres personnes dans des textes, des photographies ou des vidéos – de l'information qu'ils pourraient considérer comme étant privée dans d'autres contextes. Par exemple, des gens pourraient parler de leur état de santépour le faire connaître à des personnes dans la même situation, révélant ainsi des renseignements qui, autrement, auraient été protégés. Voici un autre exemple : il peut arriver qu'un utilisateur raconte qu'il a obtenu un soutien financier malgré de mauvaises cotes de crédit et qu'il révèle ou laisse sous-entendre ainsi sa situation financière. Les CER et les chercheurs doivent se soucier du risque d'exacerbation de la vulnérabilité par le couplage des données prévu dans le devis de recherche.
La vulnérabilité des personnes ou des groupes peut être exacerbée davantage par une identification ou une réidentification dans le contexte de la recherche. Par exemple, lorsque des communautés bien précises constituent le centre d'intérêt de la recherche, comme dans le cas de communautés autochtones, l'EPTC 2 conseille ce qui suit : « [s]'il est possible de déterminer que les renseignements proviennent d'une communauté particulière ou d'un segment de la communauté autochtone en général, il pourrait être utile de consulter des intervenants bien au fait de la culture de cette communauté pour déterminer les avantages potentiels et les risques pour la communauté source » (article 9.21). Si nécessaire, cette ligne directrice du chapitre 9 peut s'appliquer à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux qui cible des communautés ou des groupes précis, comme des groupes religieux (article 2.11).
D'autre part, les gens peuvent faire part dans leurs publications de leurs préférences au sujet des voyages, de la nourriture, de l'exercice physique ou de la météo. Il s'agit là d'exemples de renseignements que beaucoup jugeraient moins délicats ou peu susceptibles de présenter des risques s'ils étaient divulgués.
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La connaissance du bassin de participants éventuels par les chercheurs : Il est nécessaire de tenir compte des contextes sociaux, économiques et culturels qui influent sur la vie des utilisateurs ciblés (des participants éventuels). Les gens peuvent avoir reconnu juridiquement s'être inscrits de leur plein gré et assument donc les risques et les responsabilités de leurs actes. Cependant, d'un point de vue éthique et en fonction de leur connaissance du bassin de participants éventuels, les chercheurs doivent prendre en considération la vulnérabilité possible de leurs sujets dans le contexte de la recherche. Par exemple, des gens peuvent publier du contenu privé en affichant des photographies de famille et des souvenirs personnels dans ce qui est techniquement un message public et ne pas s'attendre à ce que ce contenu soit soumis à l'examen d'autrui. Quelque chose qui est publiquement accessible peut être jugé comme étant privé dans la culture d'un participant éventuel (p. ex. un groupe religieux ou culturel) ou pour un ensemble de personnes aux prises avec un problème médical donné.
Les chercheurs devraient établir et présenter à leur CER les stratégies ou les moyens qu'ils utiliseront pour prendre connaissance des normes, des pratiques et des attentes en matière de respect de la vie privée des participants éventuels en se servant d'un critère d'attente raisonnable. Ils seront ainsi plus à même d'évaluer, dans la mesure du possible, ces attentes du point de vue des participants. L'importance de comprendre le bassin de participants éventuels est encore plus grande lorsque leur culture, leur langue ou leur génération diffère de celle des chercheurs. Voici quelques questions à se poser :
- Les caractéristiques du bassin de participants suggèrent-elles que ces personnes sont en mesure de comprendre que leurs publications peuvent être vues et utilisées par autrui à différentes fins, y compris pour la recherche?
- Sont-ils susceptibles de connaître les mesures de protection de la vie privée qu'ils peuvent prendre en gérant les paramètres de confidentialité de leurs profils ou de leurs comptes de médias sociaux?
- Y a-t-il un risque d'inclusion inutile de populations dans la recherche, ou à l'inverse, un risque d'exclusion injustifiée?
En cas de doute sur les attentes des participants éventuels en matière de respect de la vie privée ou de difficulté à déterminer ces attentes (p. ex. manque de renseignements), les chercheurs doivent consulter leur CER.
4c. Résumé
Une évaluation par un CER est exigée pour toute recherche avec des êtres humains qui fait appel aux plateformes de médias sociaux, à une exception, soit lorsque les participants n'ont aucune attente raisonnable en matière de respect de la vie privée et l'information est du domaine public.
Afin d'évaluer si les exemptions prévues dans l'EPTC 2 s'appliquent, les CER et les chercheurs doivent tenir compte des deux facteurs suivants, qui sont étroitement liés et se chevauchent : i) l'information contenue dans les plateformes de médias sociaux est-elle privée ou du domaine public?; ii) les utilisateurs ciblés (les participants éventuels) (c.-à-d. la source de l'information) sont-ils susceptibles d'avoir une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée? L'illustration ci-dessous donne un aperçu des principaux facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer la nécessité de soumettre à l'évaluation par un CER la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux.
5. Considérations et questions éthiques générales relatives à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux
Lorsqu'une évaluation par un CER est exigée, il incombe aux chercheurs de fournir au comité assez de renseignements pour assurer un examen éclairé de l'acceptabilité éthique de la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux (voir l'article 6.11).
En cas de doute sur l'applicabilité de l'EPTC 2 ou l'exigence d'une évaluation, les chercheurs devraient consulter leur CER.
Lorsqu'une évaluation par un CER n'est pas exigée, on s'attend à ce que les chercheurs respectent l'EPTC 2 et appliquent ses principes directeurs : le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice (voir interprétation de l'EPTC 2, Portée #10).
Lorsque la recherche est assujettie à l'EPTC 2, toutes les lignes directrices de la Politique s'appliquent. Comme chaque projet de recherche est différent et que la nature des bassins de participants varie, les facteurs à prendre en considération varieront aussi pour chaque cas.
Voici des éléments précis dont les CER et les chercheurs doivent tenir compte lors de la détermination de l'exigence d'une évaluation par un CER, durant le processus d'évaluation éthique et tout au long de la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux.
Connaissance de la plateforme de médias sociaux
- Lorsqu'il s'agit de déterminer l'exigence d'une évaluation par le CER ou de réaliser une évaluation adéquate de l'acceptabilité éthique de la recherche, le comité possède-t-il l'expertise nécessaire ou a-t-il accès à des conseillers spéciaux qui connaissent bien les plateformes de médias sociaux? Par exemple, il pourrait consulter un conseiller spécial possédant une expertise en médias numériques, en analytique des médias sociaux, en cybersécurité ou en informatique qui pourrait présenter des avis et des connaissances à jour afin de soutenir la prise de telles décisions. Si les CER s'attendent à examiner des demandes d'éthique de la recherche qui exigent régulièrement cette expertise, ils devraient nommer un membre permanent possédant les connaissances nécessaires (voir l'article 6.5).
- Les chercheurs font-ils preuve d'une connaissance de la plateforme de médias sociaux choisie pour la collecte de données aux fins de leur recherche? Les CER pourraient envisager de demander au chercheur de confirmer qu'il respecte les conditions d'utilisation de la plateforme visée.
Préoccupations et risques particuliers liés à la sélection d'une plateforme de médias sociaux pour une recherche
- Les risques présentés dans le projet de recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux diffèrent-ils de ceux liés à la recherche en personne?
- Les risques possibles pour certaines populations ou communautés changent-ils du fait que la recherche est réalisée sur une plateforme de médias sociaux?
- L'utilisation prévue des plateformes de médias sociaux choisies pour la recherche semble-t-elle poser des risques particuliers liés à la protection de la vie privée et à la confidentialité, par exemple, dans le cadre de la collecte, de la transmission et du stockage de l'information numérique?
- La recherche fait-elle appel au couplage des données? Dans l'affirmative, celui-ci occasionne-t-il des préoccupations éthiques supplémentaires ou nouvelles? Dans le cas des ensembles de données dépersonnalisées, le couplage augmente-t-il la possibilité d'une réidentification des participants?
- L'utilisation prévue de la plateforme de médias sociaux a-t-elle une incidence sur le rapport risques-avantages pour les participants? L'utilisation de la plateforme choisie et de l'information permet-elle de répondre à la question de recherche? Y a-t-il d'autres méthodes préférables qui présenteraient un moins grand risque pour les participants ou qui pourraient présenter un plus grand avantage pour eux?
Préoccupations et questions relatives au bassin de participants
- Comment l'information a-t-elle été créée dans la plateforme choisie?
- L'a-t-elle été par des personnes ou par une autre entité à des fins de recherche, p. ex. par une approche participative rémunérée pour la production des données (voir interprétation de l'EPTC 2, Justice et équité #4)?
- L'information est-elle disponible dans le domaine public, malgré le fait que sa publication n'était pas autorisée? Ces renseignements se retrouvent dans le domaine public, mais la recherche proposée avec ces données exige une évaluation par un CER (voir interprétation de l'EPTC 2, Portée #16)?
- L'information porte-t-elle sur des personnalités publiques, ou a-t-elle été créée par ces personnes, qui peuvent ne pas avoir d'attentes en matière de respect de la vie privée (voir l'article 3.6)
- La plateforme de médias sociaux choisie a-t-elle une incidence sur la représentativité de l'échantillon de participants ou fausse-t-elle les critères d'inclusion et d'exclusion?
- Le processus de consentement comporte-t-il des risques particuliers pour les participants éventuels? A-t-on besoin de stratégies de consentement de rechange?
- Est-il possible que l'information obtenue à l'aide des plateformes de médias sociaux révèle plus de renseignements que prévu par des images, par exemple des photos où l'on voit d'autres personnes en plus du participant? Comment cela est-il susceptible d'avoir une incidence sur cette personne et ses relations?
- Lorsque les travaux proposés reposent sur la participation de la communauté ou des ententes de recherche, comment intégreront-ils l'utilisation des plateformes de médias sociaux dans ce contexte? Cela est particulièrement important dans la réalisation d'une recherche impliquant des communautés autochtones (voir le chapitre 9).
- Y a-t-il d'autres contraintes liées à la communauté, ou des établissements exigent-ils des permissions avant d'amorcer le recrutement ou de poursuivre la participation à la recherche?
Considérations particulières
- Dans le contexte virtuel de la conduite d'une recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux, a-t-on envisagé l'élaboration de stratégies, le cas échéant, pour la gestion des découvertes fortuites et des découvertes fortuites significatives, y compris la mise au jour de situations susceptibles d'entraîner des obligations légales en matière de déclaration, comme un risque de suicide ou la négligence ou la violence envers des enfants (voir l'article 3.4 et les Lignes directrices sur la suite à donner aux découvertes fortuites significatives).
- Bien que cela ne fasse pas partie des responsabilités d'un CER, s'inquiète-t-on de la sécurité des chercheurs qui travaillent sur des sujets délicats ou controversés et qui sont susceptibles d'être eux-mêmes exposés à des risques? Le CER doit renvoyer les chercheurs à d'autres instances compétentes de l'établissement afin d'évaluer ces risques (voir les risques pour les chercheurs au chapitre 2)
En plus d'être réalisée conformément à l'EPTC 2, la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux doit être effectuée selon les normes professionnelles de la discipline ou du domaine de recherche.
Partie III : Mise en application
6. Scénarios
Les scénarios qui suivent offrent des exemples d'application concrète des lignes directrices. Certains peuvent ne pas s'appliquer au contexte propre à la recherche à l'aide des plateformes de médias sociaux.
En cas de doute, les chercheurs devraient consulter leur CER et lui fournir les précisions disponibles sur leur projet afin qu'il puisse évaluer l'exigence d'une évaluation de l'éthique.
Certains scénarios sont adaptés de la publication Social Media Research: A Guide to Ethics [ PDF (2,3 Mo) - lien externe ] (en anglais seulement) de L. Townsend et C. Wallace, Université d'Aberdeen, 2016.
Scénario 1 : Collecte de renseignements de forums fermés
Contexte
Un chercheur veut étudier les mécanismes de soutien mutuel des membres d'un forum de discussion portant sur des troubles de santé mentale, comme la dépression et des pensées suicidaires. Il s'agit d'un forum fermé protégé par mot de passe, et l'inscription doit être approuvée par un contrôleur d'accès (administrateur de site).
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Oui. Cette recherche ne respecte aucune des conditions d'exemption de l'évaluation par un CER énoncées aux articles 2.2 et 2.3 de l'EPTC 2; en effet, la plateforme de médias sociaux est privée et, du point de vue des participants, étant donné le sujet et la nature délicate des discussions (soit les troubles de santé mentale entourant la dépression et le suicide), les personnes concernées auront probablement une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.
Scénario 2 : Recherche utilisant des renseignements du domaine public
Contexte
Une chercheuse veut étudier les prises de position favorables à la légalisation de la consommation de marijuana. L'information est publiquement accessible sur Twitter. La chercheuse recueillera l'information publiée au cours des sept jours précédents assortie des mots-clics #cannabis, #légaliser et #ismokit.
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Dans la plupart des cas, la recherche respecte probablement les critères d'exemption de l'évaluation par un CER. Bien que le sujet puisse être considéré comme étant de nature délicate, l'information sur Twitter est du domaine public et accessible par n'importe qui, y compris des personnes sans compte Twitter. Les abonnés de Twitter ne devraient pas avoir d'attente en matière de respect de la vie privée étant donné la nature de la plateforme. L'exemption de l'évaluation par un CER repose sur le fait que la recherche respecte la condition de l'alinéa 2.2b. De plus, elle respecte l'alinéa 2.3b. Cette recherche peut donc être exemptée d'une évaluation par un CER en vertu de l'article 2.3, si les deux autres conditions prévues aux alinéas 2.3a et 2.3c sont respectées.
Scénario 3 : Recherche sur des personnalités publiques
Contexte
Un chercheur veut examiner les thèmes dominants des publications vidéo d'athlètes olympiques dans leurs profils de médias sociaux. Ceux-ci sont publics et comptent habituellement des centaines de milliers d'abonnés.
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Non. La recherche remplit les conditions d'exemption de l'évaluation par un CER prévues :
- à l'alinéa 2.2b : L'information créée dans la plateforme de médias sociaux est publiquement accessible. Les titulaires de profil (les athlètes olympiques) s'attendent à ce que d'autres personnes voient leur information et leurs publications dans les médias sociaux. Toute attente en matière de respect de la vie privée serait déraisonnable dans de telles circonstances. Qui plus est, il est peu probable que l'information soit de nature délicate;
- à l'article 2.3 : Comme il n'y a probablement pas d'attente en matière de respect de la vie privée, l'alinéa 2.3b est respecté. Par conséquent, une recherche qui ne recueille que cette information peut aussi être exemptée de l'évaluation par un CER si elle remplit les autres conditions de l'article, soit les alinéas 2.3a et 2.3c, à savoir qu'il n'y aura aucune intervention par le chercheur ni aucune interaction directe avec les athlètes et, bien qu'il puisse se révéler difficile ou inutile de dépersonnaliser ceux-ci lors de la diffusion des résultats de la recherche, une telle dissémination ne doit pas permettre l'identification des personnes abonnées qui publient dans les pages des athlètes.
Scénario 4 : Chercheur en relation avec les participants
Contexte
Une étudiante diplômée qui a survécu au cancer veut étudier les mécanismes d'adaptation de personnes dans la même situation après le traitement. Elle s'abonne à une page Facebook créée par un groupe de soutien de survivantes du cancer du sein où elles racontent leur expérience de traitement, la façon dont elles ont relevé des défis comme l'anxiété et la dépression durant la thérapie et par la suite. Les personnes concernées qui affichent du contenu sur cette page semblent considérer la plateforme comme un lieu sûr pour s'exprimer librement et échanger des ressources avec d'autres vivant la même expérience. La page renferme des renseignements identificatoires sur ces personnes qui y partagent aussi des renseignements personnels sur leur santé et identifient des personnes en relation avec elles.
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Oui. Cette recherche ne remplit pas les conditions d'exemption de l'évaluation par un CER prévues aux alinéas 2.2b et 2.3b de l'EPTC 2 étant donné que les participants ont probablement une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Bien que l'étudiante ait accès à la page Facebook des survivantes du cancer, y compris à leurs renseignements personnels, les personnes concernées s'attendent raisonnablement à ce que les personnes qui adhèrent au groupe respectent leur vie privée.
Scénario 5 : Recherche faisant appel au couplage de données
Contexte
Un chercheur veut analyser les tendances en matière d'opinions politiques dans différentes plateformes de médias sociaux. Il recueille de l'information de Reddit, une plateforme qui permet à ses utilisateurs de publier leur point de vue de façon anonyme. Il prévoit ensuite comparer ces publications avec celles diffusées sur d'autres plateformes de médias sociaux en cherchant d'autres types de commentaires disponibles en ligne, en analysant les tendances et en couplant les données selon le style de rédaction.
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Oui. Même si, dans ce cas-ci, l'information ciblée est du domaine public sans attente raisonnable en matière de respect de la vie privée, les chercheurs doivent présenter leur projet au CER pour évaluation lorsqu'ils recourent au couplage de données, en raison de la possibilité d'identification. Selon l'article 5.7, « [l]es chercheurs qui se proposent de procéder à un couplage de données doivent obtenir l'autorisation préalable du CER. »
Scénario 6 : Recherche participative avec possibilité d'identification lors de la diffusion
Contexte
Un étudiant veut étudier la prévalence de la cyberintimidation et ses effets sur la population étudiante du secondaire au moyen d'un sondage en ligne. Il sera à l'affût, dans Twitter, des tendances d'utilisation des mots-clics qui ont un lien avec le bassin de participants et publiera un lien vers un sondage qui posera des questions assorties des mots-clics et demandera aux jeunes d'exprimer leur point de vue sur la cyberintimidation ou de raconter leur expérience du problème. Il s'agit pour l'étudiant d'un moyen de solliciter des commentaires et d'orienter les débats sur le sujet. En plus de réaliser le sondage, l'étudiant recueillera de l'information de sites Web de soutien aux victimes de cyberintimidation. Il ne rassemblera pas de renseignements identificatoires, mais prévoit utiliser des citations de commentaires provenant de Twitter et des sites de soutien dans un mémoire de recherche et des présentations lors de conférences.
L'évaluation par un CER est-elle exigée?
Oui. Même si l'information ciblée par le chercheur est du domaine public avec l'attente que d'autres personnes la verront, l'utilisation des citations lors de la diffusion des résultats de la recherche est susceptible d'identifier des participants et d'exacerber leur risque de stigmatisation. La recherche ne remplit pas la condition d'exemption prévue à l'alinéa 2.3c. La publication d'un lien vers le sondage pour voir l'effet du message sur les réponses fait en sorte que la recherche devient participative et implique l'intervention du chercheur. La recherche ne serait donc pas exemptée non plus de l'évaluation par un CER en vertu de l'alinéa 2.3a.
Par ailleurs, le chercheur s'expose peut-être à un risque étant donné la nature de l'étude. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une responsabilité du CER, celui-ci devrait envisager de diriger l'étudiant vers un service de soutien au sein de son établissement, par exemple pour évaluer les risques, ou voir à ce que son superviseur le soutienne très activement.
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