Interprétations liées à la COVID-19
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Quels risques supplémentaires peuvent être considérés comme attribuables à la recherche durant la pandémie de COVID-19?
Les risques supplémentaires attribuables à la recherche dans le contexte de la COVID-19 se classent en trois catégories :
Nouveaux risques découlant de changements aux modes d’interaction prévus avec les participants à la recherche :
Par exemple, un chercheur peut décider de communiquer à distance plutôt qu’en personne avec les participants afin de respecter les règles de distanciation physique et de ralentir la transmission/propagation du coronavirus par contacts humains. Bien que cette approche puisse limiter les risques liés aux contacts physiques, les chercheurs et les comités d’éthique de la recherche (CERs) devraient être conscients que ce changement introduit de nouveaux risques et de nouvelles questions éthiques en lien avec la protection et la confidentialité de l’information lorsque des plateformes numériques ou des bureaux à domicile sont utilisés; ils doivent être aussi conscients du besoin de nouvelles mesures de sécurité pour protéger l’information des participants. Par exemple, si un chercheur tente de réduire les risques d’infection en acheminant aux participants des médicaments expérimentaux par la poste plutôt qu’en personne, cela l’obligera probablement à modifier son plan de surveillance des effets secondaires.
Tout dépendant du bassin de participants, le remplacement des contacts en personne par un mode d’interaction à distance peut aussi introduire de nouvelles questions éthiques liées à justice et équité, lorsque seulement les participants ayant la capacité de travailler à distance (p. ex. en raison de la connexion Internet, de la disponibilité/capacité des ordinateurs/téléphones intelligents) peuvent continuer de participer à la recherche. « […] des pratiques […], intentionnelles ou non, de la part des chercheurs ou des CER peuvent mener à l’exclusion de certains membres de la société de la recherche » (Chapitre 4, Introduction).
Nouveaux risques à gérer, même si la conduite de la recherche demeure inchangée :
Par exemple, les personnes qui continuent de participer en se rendant chaque semaine à un hôpital pour y faire prélever un échantillon de sang peuvent s’exposer à de nouveaux risques d’infection au coronavirus durant leurs déplacements ou leurs contacts avec les autres participants ou les membres de l’équipe de recherche. De plus, les nouvelles mesures de santé publique qui obligent à déclarer certains renseignements peuvent introduire de nouveaux risques pour la protection de la vie privée et la confidentialité dans le cadre d’une recherche en cours. Par exemple, si une nouvelle norme de sécurité oblige les chercheurs à conserver les renseignements personnels des participants à des fins de recherche de contacts, les chercheurs ne peuvent plus garantir l’anonymat des participants (voir Application de l’article 5.2).
En plus de poser des risques pour les participants, l’exposition accrue au coronavirus peut poser des risques pour la société en général en cas de contamination de tiers, comme les membres de la famille.
Variations des niveaux de risque découlant de changements à la situation personnelle des participants :
Dans le climat exceptionnel créé par la pandémie, « […]participants […] risquent de devenir plus vulnérables en raison de la situation d’urgence » (Application de l’article 6.21). Les vulnérabilités peuvent être de nature psychologique en raison de l’isolement, du stress, de l’anxiété ou des problèmes financiers résultant, entre autres, de la perte d’un emploi. Les vulnérabilités peuvent être aussi de nature sociale, en raison de l’accès limité à des services essentiels, ou de nature physique, en raison de maladies préexistantes ou de l’âge. Par exemple, dans le cas d’une étude sur l’automutilation ou le suicide qui aurait débutée avant la pandémie et qui se poursuivrait dans le contexte de la COVID-19, les chercheurs devraient réévaluer la vulnérabilité des participants dans le nouveau contexte. Ils devraient tenir compte de l’augmentation du stress que peuvent vivre les participants dans leur vie personnelle. Les participants à une étude en cours à un site de recherche peuvent craindre que ce lieu soit contaminé et les expose au coronavirus, et peuvent vouloir se retirer de l’étude. Pareillement, les risques élevés associés aux études menées en personne auprès de patients immunodéficients pour tester un nouveau médicament peuvent être considérés comme acceptables pour ces patients en temps normal. Cependant, ces mêmes risques peuvent atteindre des niveaux inacceptables en temps de pandémie. Les participants peuvent ne plus vouloir prendre des risques qu’ils auraient autrement acceptés en contexte normal. Inversement, d’autres peuvent tolérer des risques qu’ils auraient autrement refusés, en l’absence d’un remède connu contre la COVID-19 ou ses complications (p. ex. participation à des essais thérapeutiques pour les personnes infectées au coronavirus, ou à des essais préventifs, y compris à des études sur des vaccins).
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Les chercheurs sont-ils tenus de modifier leurs demandes et leurs formulaires de consentement pour l’examen de l’éthique de la recherche, compte tenu des nouveaux risques attribuables à la recherche dans le contexte de la pandémie?
Tout changement ou imprévu pouvant augmenter le niveau de risque pour les participants ou créant d’autres implications éthiques touchant au bien-être des participants doit être soumis pour évaluation par un comité d’éthique de la recherche (CER) (voir articles 6.15 et 6.16). Comme pour tout changement à la recherche, c’est le niveau de risque supplémentaire et son impact sur le bien-être des participants qui déterminent quand les chercheurs devraient signaler les changements au CER – soit immédiatement, soit dans le rapport d’étape annuel si les chercheurs peuvent documenter et résumer les changements. S’il y a lieu, les chercheurs doivent aussi fournir au CER leur plan de gestion des risques supplémentaires par des mesures de protection techniques ou autres, et une description de leurs efforts pour parvenir à un équilibre favorable aux participants entre les risques et les avantages.
À l’instar de l’évaluation de l’acceptabilité éthique de la recherche, l’évaluation des changements à la recherche par le CER « doit tenir compte des risques prévisibles, des avantages potentiels et des implications éthiques du projet » (article 2.9). Les CER évaluent les risques attribuables à la recherche. L’EPTC stipule également que « lors de la description des risques prévisibles et des avantages potentiels d’une recherche où les participants sont exposés à d’autres risques, les chercheurs devraient faire une distinction claire entre les risques attribuables à la recherche et ceux auxquels les participants sont normalement exposés » (article 2.10).
Les chercheurs doivent informer les participants des changements à la recherche ou des risques supplémentaires imprévus attribuables à la recherche conformément à leur « devoir permanent de communiquer aux participants toute information relative à leur consentement continu à participer à la recherche » (article 3.3). Pour décider quand, comment et à quelle fréquence informer les participants des risques supplémentaires, les chercheurs et les CER devraient se baser sur le niveau de risque supplémentaire et son impact potentiel sur le bien-être des participants. Ils doivent aussi se demander si d’autres politiques ou exigences s’appliquent à la nouvelle situation créant un risque supplémentaire. Il se peut que ces politiques et exigences suffisent à gérer le risque identifié, éliminant ainsi le besoin de changement au projet de recherche.
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De quels éléments les CER devraient-ils tenir compte dans l’évaluation d’un projet de recherche prévu durant la pandémie?
Il incombe au chercheur de convaincre le comité d’éthique de la recherche (CER) qu’il peut procéder à ses recherches durant la pandémie. On a dressé ci-dessous une liste de questions que les CER devraient se poser dans l’évaluation de l’acceptabilité éthique d’un projet lors de sa présentation initiale ou de sa poursuite en temps de pandémie. Puisque chaque recherche est différente et que chaque bassin de participants possède ses propres particularités, les éléments à prendre en compte devraient être déterminés au cas par cas.
Impact sur la conduite de l’étude et sa validité scientifique
- La recherche peut-elle inclure une participation à distance plutôt qu’en personne?
- La question de recherche demeure-t-elle pertinente dans le contexte de la pandémie?
- Le contexte de la pandémie aura-t-il un effet négatif sur la représentativité de l’échantillon, ou le plan d’échantillonnage, et donc sur la validité scientifique de l’étude?
- Est-ce que l’interruption de la recherche (c.-à-d. arrêt et reprise en raison de la pandémie) ou de son financement a influé sur sa validité scientifique ou sa faisabilité?
Impact sur les risques et les avantages de la recherche
- Le chercheur a-t-il tenu compte des nouveaux risques attribuables à la recherche durant la pandémie de COVID-19?
- Le niveau de risque de la recherche déjà approuvé a-t-il changé?
- Le chercheur peut-il maintenir un équilibre favorable entre les risques et les avantages?
- Quelles mesures le chercheur a-t-il prises pour diminuer le niveau de risque supplémentaire?
- La poursuite de l’étude ajoute-t-elle un obstacle (p. ex. coûts de télécommunications) à la participation des participants?
- Le chercheur s’attend-il à ce que la vulnérabilité des participants ait changée dans le contexte de la recherche?
- Les avantages initialement attendus de la recherche sont-ils encore possibles?
Impact sur le processus de consentement
- Doit-on envisager de nouvelles stratégies de consentement (p. ex. demander le consentement par Internet plutôt qu’en personne)?
- L’information fournie aux participants dans le cadre du processus de consentement est-elle toujours exacte ou doit-elle être mise à jour?
- La reprise ou la poursuite de la recherche approuvée introduit-elle des changements imprévus pouvant créer un niveau de risque accru dont le chercheur doit informer les participants dans le cadre du processus de consentement continu (p. ex. nouvelle information/procédure, modification des mesures de protection pouvant amener les participants à remettre en question leur participation à la recherche)?
Autres questions éthiques
- Le projet de recherche approuvé a-t-il changé, et le changement soulève-t-il d’autres questions éthiques (p. ex. questions d’inclusion ou d’exclusion) ou de nouveaux risques liés à la protection des renseignements personnels et à la confidentialité)?
- Dans le cas des études interprovinciales/territoriales et internationales, le chercheur est-il suffisamment bien informé de la situation créée par la COVID-19 dans les différents sites de recherche pour pouvoir évaluer tout changement du niveau de risque pour les participants, et de l’incidence que cela peut avoir sur les changements proposés à l’étude et à ses méthodes?
- Si l’étude est fondée sur la participation communautaire ou sur une entente de recherche, le chercheur a-t-il réfléchi à la manière de négocier ou d’appliquer tout changement proposé (p. ex. autres activités de consultation/d’engagement, besoin d’autorisation pour entamer le recrutement ou poursuivre l’étude)?
- Le début du recrutement ou la poursuite de l’étude sont-ils soumis à d’autres contraintes communautaires ou à l’approbation de certains établissements?
- La sécurité des chercheurs et des membres de l’équipe de recherche (p. ex. disponibilité de l’équipement de protection personnelle) suscite-t-elle chez les CER des préoccupations dont ils devraient faire part aux chercheurs ou aux organismes concernés au sein de l’établissement, même si cela ne fait pas partie de leur mandat officiel?
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