EPTC 2 (2018) – Chapitre 9 : Recherche impliquant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada

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La EPTC 2 (2022) remplace l'EPTC 2 (2018) comme politique officielle des organismes en matière d’éthique de la recherche avec des êtres humains.

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Introduction

Préambule

Le présent chapitre, qui porte sur la recherche impliquant les peuples autochtones du Canada, notamment les peuples indiens (Premières NationsNote en bas de page 1), inuits et métis, marque une étape vers l’établissement d’un cadre éthique pour le dialogue sur les intérêts communs et les points de désaccord entre les chercheurs et les communautés autochtones participant à la recherche.

Chacune des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis a une histoire, une culture et des traditions bien à elle. Elles partagent également certaines valeurs comme la réciprocité (l’obligation de donner quelque chose en retour d’un cadeau) qu’elles citent comme base nécessaire à toute relation bénéfique à la fois pour les communautés autochtones et la communauté de la recherche.

Depuis toujours, la recherche impliquant les peuples autochtones au Canada est principalement élaborée et menée par des chercheurs non autochtones. Les méthodes utilisées ne tiennent généralement pas compte de la conception du monde qu’ont les Autochtones, et la recherche n’est pas forcément avantageuse pour les peuples ou les communautés autochtones. C’est pourquoi les peuples autochtones voient encore la recherche, surtout la recherche qui ne provient pas de leurs communautés, avec méfiance et appréhension.

Le contexte de la recherche impliquant les peuples autochtones connaît une évolution rapide. De plus en plus de scientifiques issus des Premières Nations, des Inuits et des Métis contribuent à la recherche en tant que chercheurs universitaires ou communautaires. Les communautés sont de mieux en mieux informées des risques et des avantages de la recherche. Les progrès technologiques qui permettent de communiquer rapidement les renseignements présentent à la fois des possibilités intéressantes et de nouveaux défis en matière de gouvernance de l’information.

Le présent chapitre vise à servir de cadre à la conduite éthique de la recherche impliquant les peuples autochtones. Il est présenté dans un esprit de respect et ne vise pas à remplacer ou à annuler les codes d’éthique fournis par les peuples autochtones eux-mêmes. Il a pour but d’assurer que la recherche impliquant les peuples autochtones repose, dans la mesure du possible, sur des relations respectueuses. Il vise aussi à encourager le dialogue et la collaboration entre les chercheurs et les participants.

Il faudra du temps pour forger des relations de confiance réciproque. Le présent chapitre propose des lignes directrices, mais il devra être révisé pendant sa mise en application, surtout à la lumière des mesures que prennent les peuples autochtones pour préserver et gérer leurs connaissances collectives et les renseignements qui proviennent de leurs communautés. Les Organismes – le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) – s’engagent à assurer l’évolution constante de la Politique, comme il est indiqué dans l’introduction. Avec l’entrée en vigueur de la Politique, la démarche visant à faire participer les communautés sera appliquée non seulement aux projets de recherche, mais aussi aux révisions de la Politique elle-même, afin qu’elle demeure un document évolutif.

Le présent chapitre fait partie intégrante de la Politique à laquelle les établissements admissibles à recevoir et administrer des subventions de l’un ou l’autre des trois organismes de recherche, acceptent d’adhérer pour pouvoir obtenir du financement. Voir l’Entente sur l’administration des subventions et des bourses des organismes par les établissements de rechercheNote en bas de page 2. Il s’inspire des travaux précédents, réalisés au Canada et à l’échelle internationale, qui reconnaissent les intérêts des peuples autochtones qui participent à la recherche et qui sont touchés par les résultats. Certains de ces travaux ont été réalisés par les trois organismes desquels relève la Politique. Par exemple, les IRSC et leur Institut de la santé des Autochtones ont amorcé un vaste dialogue avec les partenaires des communautés afin de rédiger les Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones. Les lignes directrices des IRSC demeurent une source importante d’information supplémentaire pour la recherche en santé impliquant les peuples autochtones au Canada.

Pour leur part, le CRSH et le CRSNG ont préparé des lignes directrices de programme pour la recherche impliquant les peuples ou les questions autochtones. Des institutions autochtones locales, régionales et nationales ont publié et appliqué des principes et des codes régissant la pratique de la recherche, y compris des protections éthiques, qui insistent sur les responsabilités, les droits et les intérêts collectifs.

La Politique offre des lignes directrices pour la recherche avec des êtres humains, comme le définit le Chapitre 2. D’autres lignes directrices propres à des programmes, des domaines de recherche et des milieux communautaires particuliers peuvent expliquer les processus énoncés dans la Politique, ou porter sur des questions d’éthique plus vastes que celles abordées dans la Politique. Il est recommandé aux chercheurs et aux comités d’éthique de la recherche (CER) de consulter les documents de référence qui s’appliquent à leurs projets de recherche. Des exemples de sources d’information pertinentes sont présentés dans les références à la fin du présent chapitre.

Bien que le présent chapitre concerne la recherche impliquant les Premières Nations, les Inuits ou les Métis du Canada, la façon dont il aborde les relations respectueuses, la collaboration et le dialogue entre chercheurs et participants peut aussi fournir des lignes directrices pour la recherche impliquant d’autres communautés distinctes. La nécessité de respecter les traditions culturelles, les coutumes et les codes de pratique d’une communauté ne se limite pas aux communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Les CER et les chercheurs peuvent se servir des articles du présent chapitre qui sont pertinents pour la communauté impliquée dans leurs recherches.

Ni la Politique ni le présent chapitre ne visent à refléter ou à apporter quelque modification que ce soit aux autres politiques du gouvernement du Canada relatives aux questions traitées dans le présent chapitre.

Contexte

Les droits existants – ancestraux ou issus de traités – des peuples autochtones du Canada, à savoir, les Premières Nations, les Inuits et les Métis du Canada, ont été reconnus et confirmés dans la Loi constitutionnelle de 1982Note en bas de page 3.

Le présent chapitre reconnaît le statut tout à fait particulier des peuples autochtones du Canada. On y explique comment la valeur du respect de la dignité humaine et les principes directeurs de respect des personnes, de préoccupation pour le bien-être, et de justice, décrits au Chapitre 1, s’appliquent à la recherche impliquant les peuples autochtones. On y reconnaît les systèmes de connaissances autochtones en assurant l’intégration des différentes conceptions du monde des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis dans la planification et la prise de décisions, depuis les premières étapes de l’élaboration des projets jusqu’à l’analyse et la diffusion des résultats. Il confirme la nécessité du respect des coutumes des communautés autochtones et de leurs codes de pratique de la recherche afin de permettre des rapports entre les chercheurs et les participants plus équilibrés et des relations mutuellement avantageuses entre les chercheurs et les communautés.

Le but du présent chapitre en particulier, et de la Politique en général, est de fournir aux chercheurs des lignes directrices sur la conduite éthique de la recherche impliquant les peuples autochtones.

Le désir de préserver, de mettre en valeur et d’approfondir les connaissances qui leur sont propres, ainsi que de bénéficier des applications contemporaines des connaissances traditionnelles, pousse les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis à jouer un rôle décisif dans la recherche. Les lignes directrices du présent chapitre reposent sur l’idée que la participation de la communauté fait partie intégrante de la recherche éthique impliquant les peuples autochtones.

La Politique reconnaît le rôle de la communauté dans la définition de la conduite de la recherche touchant les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Elle respecte également le droit des personnes de décider de manière autonome de participer ou non à la recherche, conformément aux articles 3.1 à 3.6. Les articles du présent chapitre offrent des lignes directrices pour atteindre l’équilibre entre les intérêts individuels et collectifs. Étant donné les différences qui existent entre les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis et au sein de celles-ci, et que l’élaboration de codes communautaires de pratique de la recherche se poursuit aux niveaux local, régional et national, l’évaluation de l’éthique du projet doit tenir compte tant du contexte particulier du projet de recherche que de la communauté concernée (articles 9.8 et 9.9).

A. Concepts clés et définitions

Le présent chapitre contient la définition des concepts clés qui y sont mentionnés afin de faciliter l’application des lignes directrices de la Politique (voir le Chapitre 1 pour connaître la portée des définitions utilisées dans la Politique), ainsi que le dialogue entre les chercheurs et les communautés autochtones. Puisque la définition de certains termes n’est pas acceptée universellement, les définitions fournies s’appliquent uniquement dans le cadre de la Politique. Cette terminologie devra être révisée régulièrement, notamment pour tenir compte du débat continu sur les termes spécialisés utilisés dans les contextes nationaux et internationaux. Cela s’inscrit dans la volonté d’assurer l’évolution continue de la Politique.

B. Interprétation du cadre éthique dans les contextes autochtones

Le chapitre 1 de la Politique énonce les trois principes qui expriment la valeur éthique fondamentale de respect de la dignité humaine, soit le respect des personnes, la préoccupation pour le bien-être et la justice. Dans le présent chapitre, ces trois principes directeurs sont interprétés de la façon suivante :

Le respect des personnes s’exprime principalement par l’obtention du consentement libre, éclairé et continu des participants. La volonté des Premières Nations, des Inuits et des Métis d’assurer leur continuité en tant que peuples ayant des identités et des cultures distinctives a mené à l’élaboration de codes de pratique de la recherche qui correspondent à leur vision du monde. Les codes autochtones de pratique de la recherche vont au-delà de la simple protection éthique des participants individuels. Ils s’étendent aux relations entre les êtres humains et la nature, et ils incluent l’obligation de préserver et de transmettre aux générations futures les connaissances héritées des ancêtres, ainsi que les innovations de la génération actuelle.

Le bien-être des participants a toujours été au centre des lignes directrices sur l’éthique de la recherche. La Politique élargit le sens du principe de préoccupation pour le bien-être en obligeant les chercheurs à considérer les participants et les participants éventuels dans leur environnement physique, social, économique et culturel, le cas échéant, tout en tenant compte de la communauté à laquelle appartiennent les participants. La Politique reconnaît le rôle important joué par les communautés autochtones dans la promotion des droits et intérêts collectifs et des responsabilités collectives qui concourent également au bien-être individuel.

Les peuples autochtones souhaiteraient particulièrement que la recherche contribue à renforcer leur capacité à préserver leur culture, leur langue et leur identité en tant que peuples des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, et à faciliter leur pleine participation et leur contribution à la société canadienne. Il n’est donc pas étonnant que l’interprétation de la préoccupation pour le bien-être dans le contexte des Premières Nations, des Inuits et des Métis insiste fortement sur le bien-être collectif en tant que complément au bien-être individuel.

Le principe de justice peut être compromis s’il y a un important déséquilibre de pouvoirs entre les chercheurs et les participants. Les préjudices qui en découlent sont rarement intentionnels, mais ils sont néanmoins bien réels pour les participants. Dans le cas des peuples autochtones, les abus découlant de la recherche ont pris diverses formes, notamment les suivantes : appropriation indue de chants, de récits et d’artefacts sacrés; dépréciation des connaissances des peuples autochtones jugées primitives ou superstitieuses; violation des normes de la communauté sur l’utilisation de tissus et de restes humains; non-partage des données et des avantages en découlant; diffusion de renseignements qui ont stigmatisé ou représenté faussement des communautés entières.

L’existence d’un grand fossé social, culturel ou linguistique entre la communauté et les chercheurs de l’extérieur comporte un risque élevé de malentendus. Un dialogue entre la communauté concernée et les chercheurs, entamé avant le recrutement des participants et maintenu tout au long de la recherche, peut améliorer les pratiques éthiques et rehausser la qualité de la recherche. Le fait de prendre le temps d’établir une relation permet de favoriser la communication et la confiance mutuelle, de définir des objectifs de recherche avantageux pour chacune des parties, de mettre en place des mécanismes de collaboration ou des partenariats de recherche adéquats, et de s’assurer que la recherche est menée conformément aux principes de justice, de respect des personnes et de préoccupation pour le bien-être – qui dans ce contexte comprend le bien-être de la communauté, comme l’entendent les diverses parties concernées.

Recherche impliquant des peuples autochtones d’autres pays

Même si le présent chapitre porte sur la recherche impliquant les peuples autochtones du Canada, son contenu pourrait être utile aux chercheurs, aux CER, aux participants et au milieu de la recherche en général lors d’une recherche ou de l’évaluation d’un projet impliquant des peuples autochtones d’autres pays qui valorisent la prise de décisions collective en tant que complément au consentement individuel. Il est cependant essentiel de demander conseil localement avant d’appliquer ou d’adapter la Politique à des peuples autochtones à l’extérieur du Canada.

Voir la section B du Chapitre 8 pour connaître les aspects à considérer pour la recherche menée dans un autre pays.

C. Application des dispositions de la Politique dans les contextes autochtones

Obligation d’obtenir la participation de la communauté à la recherche impliquant des Autochtones

Article 9.1

Si le projet de recherche est susceptible d’avoir une incidence sur le bien-être d’une ou de plusieurs communautés autochtones auxquelles appartiennent les participants éventuels, les chercheurs doivent solliciter la participation de la communauté ou des communautés visées. Voici quelques situations dans lesquelles la participation de la communauté est nécessaire :

  1. la recherche est menée sur des terres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis;
  2. l’identité autochtone est un facteur retenu parmi les critères de recrutement pour tous les participants ou pour un sous-ensemble de participants;
  3. le projet cherche à obtenir l’apport des participants sur le patrimoine culturel, les artefacts, les connaissances traditionnelles ou les caractéristiques particulières de leur communauté;
  4. l’identité autochtone ou l’appartenance à une communauté autochtone est utilisée comme variable dans l’analyse des données de la recherche;
  5. l’interprétation des résultats de la recherche fera référence aux communautés, aux peuples, à la langue, à l’histoire ou à la culture autochtones.
Application

L’alinéa a) fait référence aux terres des Premières Nations, des Inuits et des Métis, qui comprennent les réserves indiennes, les établissements métis et les terres administrées en vertu d’une entente sur l’autonomie gouvernementale ou d’un accord sur une revendication territoriale avec les Premières Nations ou les Inuits. Les chercheurs devraient s’informer des règles officielles ou des coutumes orales qui s’appliquent selon les autorités des Premières Nations, des Inuits ou des Métis concernées. Les règles applicables aux travaux de recherche pourraient différer selon l’autorité.

L’alinéa c) fait, quant à lui, référence au patrimoine culturel qui comprend, sans s’y limiter, les relations des peuples des Premières Nations, des Inuits et des Métis avec des territoires, des objets matériels, des connaissances et des compétences traditionnelles, et des éléments intangibles particuliers qui se transmettent d’une génération à l’autre (p. ex. récits, coutumes, représentations ou pratiques à caractère sacré). Le patrimoine culturel est un concept dynamique puisque les objets, les connaissances et les pratiques s’adaptent continuellement aux réalités de l’expérience du moment.

Il peut arriver que les recherches sur le patrimoine culturel, telles que les recherches archéologiques comportant la fouille de sépultures ou de sites sacrés et la manipulation d’artefacts, soulèvent des obligations éthiques importantes aux yeux de la communauté autochtone qui ne sont pas forcément abordées dans les projets de recherche universitaire. Les chercheurs et les communautés devraient convenir à l’avance de la manière d’éliminer ou d’aplanir ces divergences de points de vue (articles 9.8 et 9.12).

L’appropriation de connaissances collectives, leur utilisation comme bien d’échange et leur adaptation non autorisée à des fins commerciales risquent d’offenser ou de blesser les communautés d’où proviennent ces connaissances. Ce genre de conduite a suscité des initiatives dans divers pays et divers organismes internationaux afin de contrer le traitement injuste, inéquitable et contraire à l’éthique des connaissances traditionnelles et des détenteurs du savoir (article 9.18).

L’alinéa e) réfère à la collecte primaire de données de recherche et à l’utilisation secondaire des renseignements recueillis à l’origine dans un but autre que celui de la recherche actuelle (article 2.4 et la section D du Chapitre 5). Les articles 9.20 à 9.22 portent sur la participation de la communauté et le consentement des personnes pour l’utilisation secondaire de renseignements et de matériel biologique humain identificatoires à des fins de recherche.

Nature et étendue de la participation de la communauté

Article 9.2

La nature et l’étendue de la participation de la communauté à un projet de recherche doivent être déterminées conjointement par le chercheur et la communauté concernée, et être adaptées aux caractéristiques de la communauté et à la nature de la recherche.

Application

En raison de la diversité qui existe, tant entre les communautés qu’au sein de celles-ci, il ne convient pas de faire des généralisations sur les formes de participation de la communauté. La diversité au sein des communautés autochtones peut comprendre des différences de niveaux de scolarité, d’emploi et de mobilité des membres, des différences générationnelles et des mariages mixtes avec des personnes non autochtones. Cette diversité fait ressortir l’importance de préciser avec la communauté les attentes et les obligations de chaque partie et de les incorporer à l’entente de recherche.

La participation de la communauté, au sens de la Politique, peut prendre plusieurs formes. Dans les communautés géographiques et organisationnelles qui disposent d’une administration locale ou de dirigeants officiels, la participation avant le recrutement des participants se résumerait généralement à l’examen et à l’approbation du projet de recherche par une instance désignée. Dans des contextes moins structurés (comme une communauté d’intérêts), il est essentiel que les chercheurs, les participants éventuels et les CER déterminent la nature et l’étendue de la participation requise de la part de la communauté. Dans certains cas, si le CER estime que les participants ne sont pas identifiés à une communauté ou que le bien-être des communautés concernées n’est pas touché, il peut renoncer à exiger un plan de participation de la communauté (article 9.10). Le consentement des personnes suffit alors pour permettre leur participation.

Les communautés qui ne disposent pas de l’infrastructure nécessaire pour assurer la participation de la communauté avant la recherche ne devraient pas pour autant être privées de l’occasion de collaborer au processus d’orientation des recherches qui touchent leur bien-être (article 9.14).

La liste non exhaustive suivante donne des exemples illustrant diverses formes de participation de la communauté qui pourraient convenir à différents types de recherches.

  1. Recherche impliquant directement une communauté qui vit sur des terres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis et qui dispose d’une structure de gouvernance officielle. Par exemple, un projet qui étudie l’incidence du diabète à Pond Inlet, au Nunavut, ou les répercussions sur la santé des Inuits des contaminants présents dans les animaux et les plantes utilisés comme aliments prélevés dans la nature.
    • Il faut obtenir la permission de l’Institut de recherches du Nunavut qui a le pouvoir d’approuver les projets de recherche au Nunavut. L’accord du conseil de hameau de Pond Inlet serait normalement requis pour obtenir l’approbation. Le comité de santé local pourrait agir comme cogestionnaire du projet.
  2. Recherche dont une part importante des participants ou de la communauté impliquée est composée d’Autochtones, et qui vise à produire des conclusions propres aux Autochtones. Par exemple, une étude comparative sur l’accès au logement subventionné à Prince Albert, en Saskatchewan.
    • Le conseil de bande représentant les communautés locales des Premières Nations, l’association des Métis locale et les organisations de femmes autochtones et d’Autochtones en milieu urbain pourraient conclure un partenariat avec le conseil municipal de Prince Albert afin de commanditer l’étude sur le logement, de la mettre en oeuvre et d’en utiliser les résultats.
  3. Recherche qui implique une importante communauté comprenant des Autochtones (quel que soit leur pourcentage) et qui devrait engendrer des conclusions propres aux Autochtones. Par exemple, une étude sur la persévérance scolaire au secondaire dans le district de Sault Ste. Marie, en Ontario.
    • Un comité représentant les Premières Nations, les organisations métisses et les Autochtones en milieu urbain dont les enfants sont susceptibles d’être visés par l’étude pourrait être formé pour conseiller le conseil scolaire du district et les chercheurs concernés.
  4. Recherche impliquant une communauté comptant un pourcentage élevé de personnes issues des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, même si l’étude ne produit pas de conclusions propres aux Autochtones. Par exemple, une recherche sur les programmes de développement de l’emploi pour les résidents du centre-ville de Winnipeg, au Manitoba.
    • On pourrait faire appel à des organismes de service ou des organisations politiques autochtones pour aider à recruter des participants autochtones et à assurer une représentation de la communauté au sein d’un comité de supervision, et pour faire en sorte que la collecte et l’interprétation des données sur les répercussions des programmes d’emploi tiennent compte des différences culturelles.
  5. Enquêtes auprès d’un échantillon de personnes d’origine autochtone menées dans l’ensemble du Canada pour connaître les répercussions d’une politique sur leur vie, dont les résultats ne seront pas attribuables aux communautés auxquelles ces personnes s’identifient, ou dont les résultats n’auront vraisemblablement aucune répercussion sur elles. Par exemple, un sondage sur la mise en oeuvre de dispositions de la Loi sur les Indiens qui exige l’approbation des testaments des « Indiens » par le Ministère.
    • Les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, qu’ils se déclarent ou non membres d’une communauté autochtone, jouissent de la liberté d’expression au même titre que n’importe quel citoyen. Ils sont libres de donner leur consentement et de participer à des projets de recherche qu’ils estiment avantageux sur le plan personnel ou social. S’il est peu probable que le projet ait une incidence sur le bien-être des communautés auxquelles appartiennent ces membres, la participation de la communauté locale n’est pas requise en vertu de la Politique. En revanche, d’autres aspects peuvent rendre nécessaire ou souhaitable la participation de représentants régionaux ou nationaux des communautés autochtones à la recherche sur les politiques.
  6. Recherche en sciences naturelles sur des terres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis dans laquelle des Autochtones agissent comme cochercheurs ou profitent des résultats. Par exemple, une recherche qui porte exclusivement sur les contaminants présents dans les animaux ou les plantes du Nunavik et qui ne fait aucune inférence sur la consommation d’aliments.
    • La recherche qui comporte la collecte et l’analyse d’échantillons de tissus animaux ou végétaux et ne fait pas appel à des participants humains n’entre pas dans le champ d’application de la Politique et ne nécessite pas d’évaluation de l’éthique par le CER de l’établissement. Cependant, les lignes directrices d’un programme de financement et les exigences en matière de permis dans le Nord peuvent imposer la participation des communautés. Les coutumes et les codes de pratique de la recherche de la communauté peuvent obliger les chercheurs à obtenir des permis locaux et régionaux, et à communiquer les résultats de l’étude aux communautés (voir les documents du CRSNG sur le programme de recherche nordique pour les professeurs et les étudiants ou stagiaires, et l’article 9.8).
  7. Recherche qui touche incidemment une faible proportion d’Autochtones, mais qui ne vise pas à mettre en évidence ou à décrire des caractéristiques des peuples autochtones. Par exemple, une étude  des thérapies de contrôle de l’hypertension dans un échantillon de patients en consultation externe, qui ne vise pas à recueillir des données propres aux Autochtones.
    • Puisque la participation d’Autochtones est fortuite plutôt que planifiée, il n’y a pas lieu de faire participer la communauté. Si des Autochtones s’identifient comme tels lors de la collecte des données primaires, les chercheurs devraient demander si une assistance culturellement adéquate est souhaitée pour expliquer le projet de recherche aux participants ou les aider à s’y conformer. Cependant, l’inclusion de marqueurs de l’identité autochtone lors de la collecte de données peut faire ressortir des anomalies qui justifieraient une étude ultérieure plus ciblée. Si cette étude était entreprise, la participation de la communauté serait alors nécessaire.
  8. Recherche basée sur des renseignements accessibles au public, au sens de la Politique. Par exemple, une recherche historique, généalogique ou analytique basée sur des dossiers publics ou des données accessibles selon les lois en vigueur.
    • Une recherche de ce type ne comporte pas de collecte de données directement auprès de communautés ou de personnes vivantes. Elle n’a donc pas à être évaluée par un CER (article 2.2). La participation de la communauté n’est pas nécessaire. Les résultats de ces recherches peuvent toutefois avoir des conséquences sur l’identité ou le patrimoine de certaines personnes ou communautés. Afin de réduire au minimum les préjudices éventuels, les chercheurs devraient demander conseil à une personne bien au fait de la culture en cause avant d’utiliser ces données, pour savoir si elles risquent d’entraîner des préjudices et s’il y a lieu de considérer d’autres éléments, comme le partage des résultats de la recherche avec la communauté à l’origine des données (article 9.15).

Respect des autorités des Premières Nations, des Inuits et des Métis

Article 9.3

Si un projet de recherche doit se dérouler sur des terres relevant des autorités des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, les chercheurs doivent solliciter la participation des dirigeants de la communauté, sauf dans les circonstances prévues aux articles 9.5, 9.6 et 9.7.

L’évaluation de l’éthique de la recherche par le CER de l’établissement et par tout organisme compétent de la communauté reconnu par les autorités des Premières Nations, des Inuits ou des Métis (articles 9.9 et 9.11) doit avoir lieu avant le recrutement des participants et la sollicitation et l’obtention de leur consentement.

Application

Les dirigeants officiels qui assument une responsabilité de gouvernance sur des terres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis sont chargés de protéger le bien-être de la communauté. L’alinéa 8.3 b) s’applique à ces situations et indique que le projet de recherche « doit faire l’objet d’une évaluation de l’éthique de la recherche préalable par les deux instances suivantes : i) le CER de l’établissement canadien sous les auspices duquel la recherche est menée; ii) le CER ou les autres instances d’évaluation responsables, le cas échéant, à l’endroit où est réalisée la recherche. » Les autorités locales peuvent approuver les projets de recherche ou déléguer leur évaluation à une entité locale ou régionale (p. ex. un conseil de santé local ou une entité telle que Mi’kmaq Ethics Watch).

La recherche impliquant plusieurs communautés dispersées géographiquement soulève des questions complexes sur l’évaluation et l’approbation. Des organisations régionales ou nationales peuvent faciliter l’évaluation de l’éthique de la recherche et formuler des recommandations, mais il revient normalement aux communautés locales de décider si elles désirent participer à la recherche.

La participation des dirigeants officiels n’élimine pas l’obligation de solliciter le consentement individuel des participants, conformément au Chapitre 3.

Participation des organisations et des communautés d’intérêts

Article 9.4

Dans le contexte de la participation et de la collaboration de la communauté aux travaux de recherche, les chercheurs et les CER doivent reconnaître les organisations autochtones, notamment les organismes de représentation, les entreprises de services et les communautés d’intérêts des Premières Nations, des Inuits et des Métis, en tant que communautés. Ils doivent aussi reconnaître ces groupes en veillant à ce que leurs membres soient représentés lors de l’évaluation de l’éthique et de la surveillance des projets, le cas échéant.

Application

Des communautés organisationnelles et des communautés d’intérêts peuvent exister à l’intérieur des frontières des communautés territoriales. Les articles 9.5 et 9.6 traitent du chevauchement des intérêts dans ces situations. La majorité des personnes qui se déclarent Autochtones vivent dans des communautés rurales ou urbaines en dehors des communautés distinctes des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Des organisations politiques, des centres d’amitié, des associations d’habitation, des centres d’accès aux soins de santé et d’autres groupes desservant des centres urbains et ruraux ont été formés pour améliorer le bien-être de leurs membres ou des populations qu’ils desservent. Les organisations et les communautés d’intérêts sont des partenaires potentiels dans la recherche sur des questions qui touchent leurs communautés, et elles doivent être reconnues en tant que communautés dans le contexte de la participation de la communauté en vertu de la Politique.

Une organisation peut participer à une recherche portant sur ses membres (p. ex. le conseil et le personnel d’un centre d’amitié), ou elle peut faciliter la participation éthique de la population qu’elle dessert (p. ex. clients d’un centre d’accès aux soins de santé). Une communauté d’intérêts (p. ex. des jeunes Autochtones qui utilisent un programme de services urbains) peut, quant à elle, désigner une organisation locale pour donner des conseils et une protection éthique aux participants d’une recherche.

Il peut arriver que les participants éventuels ne considèrent pas les communautés organisationnelles ou d’intérêts comme des communautés qui représentent leurs intérêts. Si des chercheurs et des communautés organisationnelles ou d’intérêts collaborent à une recherche (p. ex. en vertu d’une entente de recherche), les participants éventuels doivent être informés de l’étendue de cette collaboration (y compris de la façon dont les données seront partagées) dans le cadre du processus de consentement initial et continu (alinéa 3.2 i]).

Structures d’autorité complexes

Article 9.5

Si les chercheurs proposent de procéder autrement qu’en obtenant l’accord des dirigeants officiels pour mener une recherche sur des terres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, ou dans des communautés organisationnelles, ils devraient solliciter la participation de la communauté et documenter les mesures prises, afin de permettre au CER d’évaluer le projet de recherche en tenant bien compte des structures d’autorité complexes.

Application

Les chercheurs et les CER ne devraient pas présumer que l’approbation d’un projet par les dirigeants officiels est le seul moyen d’appuyer un projet. Dans certaines communautés et pour certains domaines de connaissances, c’est à des gardiens du savoir désignés par la coutume, plutôt que par voie d’élection ou de nomination, qu’il appartient d’autoriser et de surveiller les travaux de recherche. Dans le contexte des Premières Nations, il est possible qu’un conseil de confédération chapeautant plusieurs communautés soit reconnu comme ayant l’autorité sur les connaissances traditionnelles de ses membres. Dans les communautés inuites, il est possible qu’un conseil de hameau, un cercle des Aînés et une organisation de chasseurs et de trappeurs se partagent les responsabilités et l’expertise relatives aux connaissances recherchées. Chez les Métis, il pourrait arriver que des Aînés qui se consacrent à la préservation de la langue michif affirment leur autonomie par rapport aux dirigeants politiques, mais décident de collaborer avec des organismes à vocation culturelle ou éducative (voir également l’article 9.15).

Il est préférable de faire approuver la recherche à la fois par les dirigeants officiels de la communauté et par l’autorité désignée par la coutume. C’est particulièrement important pour les personnes de l’extérieur, dont la présence ou les intentions pourraient être contestées. Pour éviter les conflits potentiels, les chercheurs devraient solliciter la participation de la communauté, notamment en demandant l’avis des autorités morales comme les Aînés. Ces mesures devraient être documentées afin d’aider le CER à examiner les processus envisagés pour assurer la participation de la communauté (article 9.10). Si les dirigeants officiels et l’autorité désignée par la coutume ne s’entendent pas sur la conduite du projet de recherche, les chercheurs devraient en informer le CER. Lorsque des processus alternatifs de participation de la communauté sont utilisés pour faire approuver un projet, toutes les autres protections éthiques énoncées dans le présent chapitre demeurent applicables.

Reconnaissance des différents intérêts au sein des communautés

Article 9.6

Lorsqu’ils font appel à la participation des communautés territoriales et organisationnelles, les chercheurs devraient tenir compte, dans la mesure du possible, des points de vue de tous les secteurs pertinents, y compris ceux des personnes et des sous-groupes qui pourraient ne pas être représentés au sein de l’autorité officielle. Des mesures spéciales pourraient être nécessaires ou souhaitables pour garantir la sécurité des groupes ou des personnes que les circonstances peuvent rendre vulnérables dans le contexte d’un projet de recherche donné. Il pourrait être nécessaire de prendre des mesures spéciales pour assurer l’inclusion dans la recherche de personnes dont la participation a été exclue par le passé.

Application

Les groupes et les personnes que les circonstances peuvent rendre vulnérables ou marginalisés au sein de communautés territoriales ou organisationnelles ne devraient pas être privés de l’occasion de participer à la recherche et de l’influencer lorsqu’elle touche leur bien-être. Par exemple, il peut y avoir des obstacles à la participation des personnes vivant avec le VIH ou le sida, des jeunes en situation précaire et des femmes victimes de violence.

L’analyse comparative basée sur le sexe est présentement appliquée dans les organisations et les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis en vue de promouvoir ou de rétablir la reconnaissance des responsabilités des femmes dans la vie communautaire, y compris la prise de décisions qui concerne directement leur bien-être. Les anciennes structures de gouvernance patriarcales continuent d’entraver la pleine participation des femmes. Les démarches qui tiennent compte des aspects culturels contribuent à assurer une participation équitable et une répartition juste des avantages pour les femmes, pendant tout le cycle de vie d’un projet de recherche (article 4.2).

Les recherches entreprises en secret ou qui remettent directement en question l’autorité légitime peuvent accroître les risques pour les participants que les circonstances rendent vulnérables, creuser des fossés au sein de la communauté et nuire au progrès de la justice sociale. Plusieurs stratégies se sont révélées efficaces pour favoriser l’inclusion et assurer la protection de divers secteurs au sein d’une communauté : actions revendicatrices par les autorités morales de la communauté; mesures spéciales de protection de l’identité des participants dans les petites communautés; choix de questions de recherche qui rassemblent au lieu de diviser les groupes d’intérêts; élargissement d’un projet à plusieurs communautés. Si les risques pour les communautés et les participants concernés ou ciblés par le projet de recherche sont plus élevés que les avantages qu’ils pourraient en tirer, le chercheur devrait renoncer à entreprendre le projet.

Démarche critique

Article 9.7

Les projets de recherche impliquant des peuples autochtones et ayant pour objet l’examen critique de la conduite de gouvernements, d’établissements ou d’organisations des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, d’institutions publiques ou de personnes exerçant une autorité sur des membres des Premières Nations, des Inuits ou des Métis peuvent être menés de façon éthique, même sans respecter l’obligation habituelle de solliciter la participation des dirigeants de la communauté.

Application

Les considérations relatives à la réalisation d’une recherche comportant une démarche critique sont abordées plus en détail à l’article 3.6. Tout comme pour la recherche avec des groupes que les circonstances rendent vulnérables, ou avec des communautés d’intérêts au sein d’une communauté autochtone (article 9.6), les chercheurs qui entreprennent une recherche comportant une démarche critique doivent adopter des mesures appropriées afin de respecter les normes culturelles, de protéger la sécurité des participants et de réduire au minimum les préjudices potentiels pour le bien-être de l’ensemble de la communauté, dans la mesure du possible. Pour ce faire, les chercheurs pourraient devoir consulter des organisations autochtones régionales ou nationales culturellement pertinentes.

L’initiative Soeurs par l’esprit de l’Association des femmes autochtones du Canada (AFAC), lancée en 2005 pour une période de cinq ans, est un exemple de projet de recherche d’envergure nationale qui comportait une dimension critique. Le projet consistait à interroger les familles de femmes inuites, métisses ou des Premières Nations disparues ou assassinées en milieu urbain ou rural, ainsi que dans les territoires des Premières Nations. On y étudiait, entre autres, l’aptitude des institutions et des services publics, autochtones ou non, à protéger le bien-être des femmes et à soutenir les familles en deuil. L’objectif consistait à modifier les politiques et à améliorer la sécurité et le bien-être des femmes autochtones au Canada. L’AFAC a fait publiquement état de l’importance qu’elle accorde à la recherche participative, ainsi qu’aux principes et pratiques qui protègent la vie privée et le bien-être des participants. Le projet s’appuyait sur les activités continues de l’AFAC pour forger des relations de recherche utiles reflétant les modes autochtones d’acquisition du savoir.

Respect des coutumes et des codes de pratique communautaires

Article 9.8

Les chercheurs ont l’obligation de connaître et de respecter les coutumes et les codes de pratique de la recherche pertinents qui s’appliquent dans les communautés touchées par leur recherche. Les divergences entre les coutumes communautaires et la Politique devraient être repérées et éliminées avant le début de la recherche, ou lorsqu’elles se manifestent.

Application

Les codes de pratique de la recherche des Premières Nations, des Inuits et des Métis découlent de procédures et de coutumes issues de cultures principalement orales. Même si certaines règles peuvent être sous forme écrite, leur interprétation dépend de connaissances empiriques acquises à la faveur d’interactions au sein de la communauté. Citons par exemple les restrictions strictes entourant la diffusion publique de connaissances sacrées susceptibles d’être révélées dans le contexte d’une relation de confiance. Dans la culture universitaire, les restrictions relatives à la divulgation de l’information seraient normalement indiquées dans le projet de recherche. Ces limites devraient par ailleurs être intégrées aux ententes de recherche conclues entre les chercheurs et les communautés, le cas échéant.

L’absence, apparente ou réelle, de codes ou de principes directeurs de recherche locaux officiels ne dégage pas le chercheur de l’obligation de solliciter la participation de la communauté afin de connaître les coutumes et les codes de pratique de la recherche.

Les coutumes et les codes de comportement des Premières Nations, des Inuits et des Métis font une distinction entre les connaissances qui peuvent être divulguées publiquement, celles qui peuvent être divulguées à un public ciblé et celles qui peuvent être divulguées sous certaines conditions. Les renseignements qui peuvent être communiqués, et les personnes avec qui ces renseignements peuvent être partagés, dépendent de la culture de la communauté concernée. Toute restriction quant à l’accès aux connaissances sacrées ou traditionnelles partagées au cours du projet de recherche, et quant à leur utilisation, devrait être mentionnée dans l’entente de recherche.

À cause des coutumes des communautés autochtones, il se peut que l’observation, l’enregistrement ou la présentation de compte rendu de cérémonies ou de représentations soient limités et exigent l’approbation des personnes concernées. L’article 10.3 porte sur l’obligation de procéder à l’évaluation de l’éthique des projets qui comportent des recherches par observation participatives et naturalistes, ainsi que sur les implications éthiques connexes, notamment la dérogation au processus de consentement et l’atteinte à la vie privée.

De nombreuses communautés des Premières Nations au Canada ont adopté un code d’éthique destiné à l’origine à régir les pratiques de l’Enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières Nations. Ce code défend les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP) des processus de recherche qui touchent les communautés participantes et des données qui en découlent. Les principes PCAP touchent les questions de respect de la vie privée, de propriété intellectuelle, de garde des données et d’utilisation secondaire des données, qui sont également abordées plus loin dans le présent chapitre.

Les communautés et organisations inuites envisagent d’établir un mécanisme pour traiter ce genre préoccupations, qui pourrait inclure l’adoption ou l’adaptation des principes PCAP. Par exemple, l’établissement du chercheur et la communauté (généralement représentée par l’organisation de revendications territoriales) pourraient conclure un accord de possession, distinct de l’entente de recherche proprement dite, et qui serait formulé dans un protocole d’entente. L’accord de possession porte sur le contrôle et l’utilisation des données et du matériel biologique humain qui sont recueillis pendant la recherche. Cet accord peut demeurer en vigueur longtemps après la fin de la recherche, afin d’autoriser le contrôle et l’utilisation des données et du matériel biologique humain dans le cadre de projets de recherche lancés par des Inuits.

Les chercheurs devraient consulter leur établissement pour s’assurer que l’application des principes PCAP ou d’autres codes d’éthique communautaires est conforme aux politiques de l’établissement. Si des divergences existent, elles devaient être éliminées avant le début de la recherche.

Les universitaires inuits, métis ou issus des Premières Nations attachés à des universités à titre de professeurs, d’étudiants ou d’assistants de recherche participent de plus en plus à des recherches impliquant leurs communautés et parfois même les membres de leurs familles. En général, ils ne sont soumis à aucune restriction d’accès physique au territoire ou d’accès personnel aux membres de la communauté. Cependant, puisqu’ils sont membres d’établissements qui adhèrent à la Politique, ils sont soumis au devoir éthique de respecter les coutumes et les codes de pratique de la recherche de la communauté lorsqu’ils mènent une recherche dans leurs communautés locales ou culturelles, et de faire participer la communauté concernée, conformément à la Politique. Les CER des établissements devraient alors envisager la possibilité de conflits d’intérêts pour les chercheurs et appliquer les dispositions prévues aux articles 7.2 et 7.4 pour les gérer au besoin.

Les recherches sur la langue ou les histoires de vie sont des exemples de domaines de recherche où le fait de disposer de relations à l’intérieur de la communauté et de liens culturels offre des occasions sans pareilles de repousser les limites du savoir. On pourrait soutenir que de consigner l’histoire d’une personne âgée est une démarche qui relève davantage de la famille que de la communauté, mais lorsque cette activité relève d’un projet de recherche, il est important de faire participer la communauté pour veiller à examiner les aspects suivants : les éventuelles répercussions de la recherche sur l’ensemble de la communauté; les conflits entre les normes individualistes du milieu universitaire et les normes collectives de la communauté; la possibilité que le participant et le chercheur fassent des hypothèses floues ou erronées. Pendant le processus de consentement, les chercheurs devraient donner aux participants l’occasion de décider de la forme de participation de la communauté et de l’étape à laquelle cette participation aura lieu. Dans ces cas, la communauté à consulter pourrait se composer de membres de la famille étendue, de pairs du participant avec qui le chercheur aura la possibilité de valider ses interprétations, ou d’Aînés qui connaissent les règles culturelles régissant la divulgation de renseignements confidentiels.

Besoin d’évaluation de l’éthique de la recherche par les établissements

Article 9.9

L’évaluation de l’éthique de la recherche par les CER des communautés ou les autres instances d’évaluation responsables à l’endroit où est réalisée la recherche ne remplace pas l’évaluation de l’éthique de la recherche par les CER de l’établissement dont relève la recherche. Elle n’exempte pas les chercheurs affiliés à un établissement de l’obligation d’obtenir l’approbation du CER de leur établissement, sous réserve des dispositions de l’article 8.1. La recherche prospective et l’utilisation secondaire de données et de matériel biologique humain à des fins de recherche doivent faire l’objet d’une évaluation de l’éthique.

Application

Appliquer la Politique en tenant compte de la diversité des cultures inuites, métisses et des Premières Nations, et des communautés autochtones mixtes en milieux urbains est une démarche complexe. Par exemple, il peut arriver que les politiques des établissements et les coutumes et les codes de pratique de la recherche communautaires ne concordent pas clairement, ce qui obligerait les chercheurs à adapter leur pratique usuelle ou à négocier une solution acceptable. Conformément à l’alinéa 8.3 b), la recherche réalisée en dehors de l’autorité de l’établissement d’un chercheur « doit faire l’objet d’une évaluation préalable de l’éthique de la recherche par les deux instances suivantes : i) le CER de l’établissement canadien sous les auspices duquel la recherche est menée; ii) le CER ou les autres instances d’évaluation responsables, le cas échéant, à l’endroit où est réalisée la recherche. »

Dans les cas où plusieurs centres sont associés au projet de recherche, l’article 8.1 autorise des modèles d’évaluation qui n’exigent pas l’évaluation distincte de l’éthique du projet pour chaque endroit associé au projet. Si la communauté bénéficie directement d’un financement et qu’elle a constitué un CER qui est signataire d’une entente avec l’établissement du chercheur, il est possible que l’évaluation par le CER de l’établissement ne soit pas obligatoire.

Conformément à l’article 8.4, la communication entre le CER de l’établissement et l’instance responsable au sein de la communauté peut contribuer à éliminer les divergences entre la politique de l’établissement et les coutumes et les codes de pratique de la recherche communautaires. S’il faut une évaluation communautaire de l’éthique du projet de recherche en plus de l’évaluation obligatoire par le CER de l’établissement, il peut être nécessaire de présenter de nouveau le projet à l’une des instances ou aux deux instances afin d’éliminer les divergences.

Les chercheurs et les CER devraient reconnaître que l’évaluation de l’éthique d’un projet de recherche par les instances de la communauté peut souvent viser des buts et appliquer des critères qui diffèrent des dispositions de la Politique. Le but explicite de la plupart des codes de pratique de la recherche des communautés autochtones est d’assurer que les activités de recherche conviennent aux besoins et aux priorités de la communauté, et qu’elles respectent l’identité, la culture et les systèmes de connaissances des Premières Nations, des Inuits et des Métis. Même si les codes de pratique et les ententes de recherche des communautés partagent généralement plusieurs des objectifs des politiques des établissements, les démarches utilisées pour les atteindre peuvent varier de façon significative. Il n’est donc pas approprié d’insister sur l’uniformité entre les pratiques des communautés et les politiques des établissements. Par exemple, si un chercheur souhaite interroger un Aîné disposé à faire part de ses connaissances conformément aux usages traditionnels en matière de consentement, les CER ne devraient pas lui imposeront une langue et des processus qui risquent d’être considérés comme maladroits ou inappropriés sur le plan culturel (article 3.12).

Si le CER doit souvent évaluer l’éthique de recherches portant sur des questions relatives aux Autochtones ou touchant les communautés autochtones, la composition du CER devrait être modifiée afin d’inclure des membres réguliers possédant les connaissances, les compétences et l’expertise appropriées sur les cultures autochtones. Il pourrait s’agir d’universitaires autochtones ou de membres issus de communautés des Premières Nations, des Inuits ou des Métis (article 6.4). Par contre, pour l’évaluation occasionnelle de projets de recherche qui sont susceptibles d’avoir une incidence sur le bien-être de communautés autochtones, le CER pourrait consulter des conseillers spéciaux ou déléguer l’évaluation à un comité d’éthique de la recherche spécialisé, externe ou multiétablissement (articles 6.5 et 8.1).

La composition des instances d’évaluation des communautés des Premières Nations, des Inuits ou des Métis ne respecte pas forcément les critères énoncés dans la Politique. Dans le cas d’organisations communautaires ayant des ressources humaines limitées, il peut arriver que les mêmes personnes participent à l’évaluation de l’éthique d’un projet de recherche et à la gestion du projet. Or, en cherchant à éviter tout conflit d’intérêts en séparant les fonctions d’évaluation de l’éthique de la recherche et de gestion des projets, on risque d’imposer un trop lourd fardeau aux petites communautés. Les chercheurs et les communautés autochtones participantes devraient trouver la meilleure façon de respecter l’éthique de la communauté et de ses membres dans les cas où une même personne assume plusieurs rôles (Chapitre 7, particulièrement l’article 7.2).

Obligation d’informer le comité d’éthique de la recherche d’un plan de participation de la communauté

Article 9.10

Le chercheur qui soumet un projet devant faire appel à des participants inuits, métis ou issus des Premières Nations doit indiquer à son CER comment il a obtenu ou prévoit obtenir la participation de la communauté concernée. Il peut aussi demander au CER d’accorder une exemption à l’obligation d’obtenir la participation de la communauté sur la base d’une justification acceptable.

Application

Pour déterminer si la forme de participation de la communauté choisie par le chercheur est appropriée, le CER doit recevoir au moins un des éléments suivants : a) une entente de recherche préliminaire ou officielle entre le chercheur et l’instance responsable à l’endroit où s’effectue la recherche; b) la décision écrite ou des documents attestant la décision orale prise en groupe d’approuver le projet de recherche ou de refuser d’y participer; c) un résumé écrit de l’avis formulé par un groupe de consultation ou un comité spécial bien au fait de la culture des participants (p. ex. dans une communauté d’intérêts en milieu urbain). Si le chercheur ne prévoit pas la participation de la communauté en raison, par exemple, de la nature du projet ou du contexte de la communauté (articles 9.1 et 9.2), il doit fournir une justification acceptable au CER.

L’établissement d’une entente de recherche est particulièrement important dans le cas de projets de recherche sur la santé financés par les IRSC (voir les Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones dans les références à la fin du présent chapitre).

Si le chercheur entretient des relations suivies avec une communauté, une lettre des dirigeants officiels ou désignés par la coutume de la communauté concernée peut signaler l’approbation du projet et suffire pour entreprendre la recherche.

Si, conformément aux articles 6.11 et 10.1, la communauté indique pendant les discussions préliminaires avec le chercheur, avant l’évaluation par le CER, qu’elle donne son accord à la réalisation du projet de recherche, tout en précisant qu’elle ne souhaite pas s’impliquer autrement, le chercheur doit documenter et présenter au CER les démarches qu’il a entreprises pour demander et faciliter la participation de la communauté. Voir l’article 9.14 pour savoir comment les chercheurs peuvent contribuer au renforcement des capacités.

Même si les chercheurs doivent lui offrir la possibilité de participer, la communauté peut choisir de participer symboliquement ou de ne pas participer du tout à la recherche, tout en acceptant qu’elle soit réalisée. Par exemple, par souci d’assurer l’impartialité des résultats des travaux de recherche, une communauté pourrait donner son soutien à un projet de recherche entrepris indépendamment de l’influence communautaire, ou sans autre collaboration de la communauté, afin d’en utiliser les résultats crédibles sur le plan scientifique pour valider une position de négociation.

Ententes de recherche

Article 9.11

Lorsqu’une communauté s’engage officiellement avec un chercheur ou une équipe de recherche, par l’intermédiaire de son représentant désigné, une entente de recherche devrait être conclue pour préciser les modalités de la collaboration ainsi que les engagements respectifs du chercheur et de la communauté avant de procéder au recrutement des participants.

Application

Les ententes de recherche constituent le principal moyen de préciser et de confirmer les attentes des parties et, le cas échéant, les engagements des chercheurs et des communautés. Le cas échéant, les ententes de recherche doivent précéder le recrutement des participants et la collecte et la consultation des données de recherche. La portée de l’entente dépendra du niveau de participation que la communauté souhaite et des ressources disponibles pour assurer sa participation.

L’entente devrait au moins préciser les protections éthiques qui s’appliqueraient à l’obtention du consentement individuel pour un projet comparable, ainsi que les engagements concernant la participation et la prise de décisions de l’ensemble de la communauté, le partage des avantages et de l’évaluation du projet et la mise à jour de l’entente. Se basant sur l’information normalement fournie aux participants (article 3.2), ces ententes énoncent habituellement l’objet de la recherche et les responsabilités de chacun à l’égard de l’élaboration du projet et de la collecte, de la gestion (article 5.3), de l’analyse et de l’interprétation des données; la mention de la contribution des détenteurs du savoir; les mesures de protection (et de non-divulgation) des connaissances à accès restreint; le partage des avantages ou des redevances découlant de la propriété intellectuelle, le cas échéant; les modalités de la production de rapports, de la copaternité et de la diffusion des résultats, ainsi que le processus de résolution des conflits. Les ententes de recherche devraient également inclure des dispositions sur l’utilisation secondaire prévue des renseignements ou du matériel biologique humain recueillis et des données associées (article 9.20). Si une communauté a adopté ou respecte un code de pratique de la recherche, l’entente pourrait préciser les responsabilités de chacun conformément à ce code et aux besoins particuliers du projet de recherche. Dans les situations moins officielles, l’entente pourrait être relativement brève et des éclaircissements pourraient y être apportés au cours du projet. Les Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones présentent des exemples d’éléments qu’il est possible d’inscrire dans une entente de recherche (voir les références à la fin du présent chapitre).

Les établissements d’enseignement (et les chercheurs qui y sont associés) reconnaissent de plus en plus que ces ententes fournissent des points de références sur des aspects tels que le consentement, la confidentialité des données, l’accès aux données et leur utilisation pouvant faciliter le processus d’évaluation de l’éthique de la recherche et son approbation. Les ententes qui précisent, dans le cadre du dossier d’évaluation de l’éthique présenté à l’établissement, la marche à suivre pour l’évaluation de l’éthique de la recherche par la communauté peuvent fournir de l’information contextuelle et des repères aux CER qui procèdent à l’évaluation initiale d’une demande et à l’évaluation continue de l’éthique de la recherche tout au long du projet. Les chercheurs devraient vérifier, auprès de leur établissement, qui a le pouvoir de signature dans le cas des ententes de recherche (article 9.18).

Établir des relations, préciser les objectifs d’un projet et négocier des ententes exigent un important investissement en temps et en ressources de la part de la communauté et du chercheur. Les frais de participation et de développement assumés par la communauté et par le chercheur devraient être pris en compte dans les projets, dans les limites permises par les lignes directrices relatives au financement.

L’assentiment de la communauté à la réalisation d’un projet de recherche ne remplace pas l’obtention du consentement des personnes recrutées pour participer au projet, conformément au Chapitre 3. L’obtention du consentement des participants éventuels doit précéder la collecte des données ou du matériel biologique humain, et l’accès à ces données ou à ce matériel. Conformément aux dispositions de l’article 3.12, si un consentement écrit et signé n’est pas approprié sur le plan culturel, le chercheur doit informer le CER des méthodes utilisées pour obtenir le consentement et le documenter.

S’il existe une entente de recherche, le consentement doit être donné conformément à celle-ci. Si l’entente précise que les partenaires communautaires auront un accès complet ou limité aux données personnelles identificatoires, le consentement des participants à la divulgation de ces données doit faire partie du processus de consentement. L’accès aux renseignements confidentiels fournis par une personne est soumis aux lois sur la protection de la vie privée.

Les chercheurs devraient s’informer de la langue maternelle des participants autochtones et, s’il s’agit d’une langue autochtone, ils devraient demander à une personne compétente de fournir des services de traduction pendant le processus de consentement et au cours de la recherche, si le participant le désire (article 4.1). Les chercheurs devraient être conscients du statut officiel des langues inuites dans les régions inuites.

Recherche concertée

Article 9.12

Dans le cadre du processus de participation de la communauté, les chercheurs et les communautés devraient envisager une recherche concertée ou participative, selon la nature du projet de recherche et le niveau de participation souhaité par la communauté.

Application

Même si la participation de la communauté est une démarche qui convient à tout projet de recherche qui concerne les communautés autochtones, la nature et le degré de collaboration entre le chercheur et la communauté dépendront de la nature du projet et du contexte de la communauté. Dans le cas de la recherche avec des communautés autochtones, la recherche concertée est un moyen de favoriser des relations productives et respectueuses entre les parties (article 9.2).

La recherche concertée repose généralement sur des relations respectueuses entre collègues qui apportent chacun leur expertise à un projet. Dans la recherche concertée, il arrive souvent qu’un des partenaires assume la responsabilité principale de certains aspects de la recherche, comme les questions délicates liées aux relations communautaires ou encore l’analyse scientifique et l’interprétation des données.

En général, la recherche communautaire se déroule sur les lieux de la communauté. Certains types de recherches sont axées sur la communauté, c’est-à-dire que la recherche porte non seulement sur les membres individuels de la communauté, mais aussi sur la communauté elle-même. Cette recherche peut devenir un projet mené par la communauté, pour elle et avec elle.

La recherche participative est une recherche systématique qui prévoit la participation active des personnes qui font l’objet de la recherche. La recherche participative est généralement axée sur l’action. Les personnes participant au processus de recherche collaborent à la définition du projet de recherche, à la collecte et à l’analyse des données, à la réalisation d’un produit final et à la prise de mesures en fonction des résultats. Elle est fondée sur le respect, la pertinence, la réciprocité et la responsabilité mutuelle.

Si les chercheurs adoptent une approche participative, ils devraient en énoncer les modalités dans une entente de recherche (article 9.11).

Avantages mutuels en recherche

Article 9.13

Si le mode de participation de la communauté et la nature du projet de recherche le permettent, le projet devrait convenir aux besoins et aux priorités de la communauté. La recherche devrait profiter à la communauté participante (p. ex. formation, embauche locale, reconnaissance des collaborateurs, accès aux résultats), tout en repoussant les limites du savoir.

Application

Pour que la communauté participante retire des avantages d’un projet de recherche, celui-ci devrait correspondre aux priorités de la communauté et être susceptible de produire des résultats utiles du point de vue de la communauté et de ses membres.

La pertinence et les avantages pour la communauté peuvent prendre plusieurs formes selon le type de projet de recherche et le mode de participation de la communauté. Par exemple, une recherche en génétique sur le diabète dans une communauté des Premières Nations n’apportera probablement aucun avantage à court terme à la communauté, mais la collaboration pourrait permettre de mieux connaître la maladie et de déterminer des changements qui pourraient être apportés pour améliorer les résultats sur la santé. Les recherches concertées peuvent convenir tant à la recherche fondamentale qu’à la recherche appliquée et comporter des avantages à court et à long terme. Dans un autre exemple, une communauté invite un chercheur à collaborer à un projet de recherche sur le logement et l’itinérance dans une communauté inuite. Grâce à l’utilisation de méthodes de recherche participative et d’outils de sciences sociales, la nature, l’importance et les conséquences du manque de logement dans la région peuvent être documentées, ce qui permet à la communauté de communiquer efficacement ses besoins aux autorités non inuites (Qallunaat). Parmi les autres avantages, citons les ateliers de formation qui permettent de créer de l’emploi et de transférer des compétences aux jeunes Inuits qui participent à la collecte de données; l’expérience pratique en recherche communautaire pour les étudiants universitaires engagés comme assistants; la préparation de documents utiles à d’autres communautés inuites pour des études ultérieures.

La recherche concertée donne à la communauté l’occasion de discuter des avantages potentiels et des risques, et de réduire les risques au minimum. Dans le cas d’une recherche participative, le rapport de recherche pourrait également formuler des recommandations sur la façon de mettre en oeuvre des interventions résultant de la recherche, au profit de la communauté participante.

La recherche concertée, et particulièrement la recherche participative, pourrait avoir comme résultat d’accroître la capacité à mener des projets de recherche plus facilement dans des langues autochtones et de façon orale. L’exploration, l’articulation et l’application des connaissances particulières à une ou plusieurs communautés peuvent ainsi progresser et profiter à d’autres communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis grâce au transfert des connaissances.

Les chercheurs devraient donner aux communautés l’accès aux données de la recherche qui leur permettront de régler des problèmes urgents au moyen de politiques, de programmes et de services élaborés par les communautés elles-mêmes (article 9.8 et notes d’application de l’article 9.11). Les communautés territoriales, organisationnelles et d’intérêts pourraient aussi souhaiter avoir leur part des avantages découlant des activités de recherche, notamment des subventions directes pour la recherche, des allocations de détachement pour le personnel du projet, des sommes versées pour les frais généraux de projets communs et la commercialisation des découvertes.

Renforcement des capacités en matière de recherche

Article 9.14

Les projets de recherche devraient favoriser le renforcement des capacités par l’amélioration des compétences du personnel communautaire en matière de méthodes de recherche, de gestion de projet, d’évaluation de l’éthique et de supervision.

Application

Les recherches concertées permettent un apprentissage mutuel, ainsi que le transfert des compétences et des connaissances entre la communauté et le chercheur. Les chercheurs devraient favoriser l’éducation et la formation des membres de la communauté pour accroître leur participation aux projets de recherche. L’embauche d’assistants de recherche et de traducteurs autochtones est déjà pratique courante dans les projets de recherche communautaires. L’extension du transfert de compétences grâce à un programme de formation favorisera la collaboration avec les établissements et améliorera la capacité des communautés à lancer et à mettre en oeuvre leurs propres projets de recherche. La recherche concertée peut également aider à renforcer les capacités de la communauté de la recherche en matière de conduite de recherches adaptées à la culture.

Le manque de participation des communautés pourrait être attribuable à un manque de ressources financières ou humaines. Les ressources humaines et matérielles dont disposent les communautés pour collaborer à des projets de recherche varient considérablement. Des obstacles structurels peuvent empêcher l’accès et la participation à la recherche. Par exemple, les petites communautés éloignées et bien des communautés d’intérêts urbaines n’ont que des ressources organisationnelles limitées pour fournir des conseils ou collaborer à la recherche. Or, les communautés les moins développées sur le plan organisationnel sont les plus vulnérables à l’exploitation. Les chercheurs qui entreprennent des projets de recherche dans ces situations devraient s’efforcer d’accroître la capacité de participer de la communauté.

Les programmes de financement qui visent le développement de la recherche impliquant les Autochtones et le renforcement des capacités cherchent à créer d’importantes possibilités de formation en recherche. Les critères de financement permettent ainsi aux chercheurs de prévoir, dans leurs demandes de subvention, des allocations pour les étudiants de tous les niveaux universitaires et les chercheurs postdoctoraux, le cas échéant, la priorité étant donnée aux candidats autochtones. Le temps nécessaire pour établir des relations de collaboration peut être difficile à intégrer aux programmes des étudiants. Le mentorat par des chercheurs expérimentés, qui présentent les étudiants aux communautés et surveillent leurs pratiques éthiques, peut favoriser l’établissement de liens de confiance et la progression de l’étudiant.

Reconnaissance du rôle des Aînés et autres détenteurs du savoir

Article 9.15

Les chercheurs devraient demander à la communauté d’identifier les Aînés et autres détenteurs du savoir afin qu’ils participent à l’élaboration et à la réalisation de la recherche, ainsi qu’à l’interprétation des résultats, dans le contexte des normes culturelles et des connaissances traditionnelles. Ils devraient également demander conseil à la communauté pour déterminer la façon appropriée de reconnaître le rôle consultatif spécial de ces personnes.

Application

Dans les communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis, les personnes qui ont un don particulier assument divers rôles et responsabilités en matière de préservation et de transmission des connaissances traditionnelles et de l’expression culturelle. En général, ces personnes parlent couramment leur langue traditionnelle. Elles modèlent les relations respectueuses et peuvent animer des cérémonies, transmettre l’histoire orale et fournir des conseils sur les affaires communautaires. Elles développent généralement leur don tout au long de leur vie. Ainsi, les Aînés qui ont suivi un long cheminement rigoureux d’apprentissage sont très respectés. Certains jeunes peuvent également être reconnus comme étant de talentueux détenteurs du savoir.

L’indicateur le plus fiable de l’autorité d’un Aîné ou d’un autre détenteur du savoir est le respect que la communauté lui porte. Chaque communauté ou nation a des façons particulières d’aborder respectueusement les Aînés ou autres détenteurs du savoir. Dans de nombreuses Premières Nations, il faut offrir et accepter du tabac pour symboliser l’établissement de la relation. Dans certaines communautés, il est plus approprié de festoyer ou d’offrir des cadeaux.

Les Aînés sont maintenant reconnus dans les projets de recherche et les demandes de subvention parce qu’ils donnent accès aux réseaux communautaires, conseillent les chercheurs sur les questions d’éthique et l’interprétation des résultats dans le contexte des connaissances traditionnelles (article 9.17). Les chercheurs devraient demander conseil à la communauté et aux Aînés pour savoir comment reconnaître la contribution des Aînés et des détenteurs du savoir. Il pourrait s’agir de leur verser des honoraires, de reconnaître leur contribution en les nommant ou, selon leur demande, de ne pas révéler leur identité dans les rapports et les publications.

Respect de la vie privée et confidentialité

Article 9.16

Les chercheurs et les partenaires communautaires doivent aborder et régler les questions de respect de la vie privée et de confidentialité pour les communautés et les personnes dès le début du processus de participation de la communauté. Les ententes de recherche, le cas échéant, doivent indiquer si les renseignements personnels liés à la recherche seront divulgués, en tout ou en partie, aux partenaires communautaires. Les chercheurs ne doivent pas divulguer de renseignements personnels aux partenaires communautaires sans le consentement du participant, comme le prévoit l’alinéa 3.2 i).

Application

Dès le début de l’élaboration du projet de recherche, les chercheurs et les partenaires communautaires devraient déterminer si les codes communautaires de pratique de la recherche concordent avec les dispositions relatives au respect de la vie privée et à la confidentialité énoncées au Chapitre 5. Les divergences, le cas échéant, devraient être éliminées avant le début de la recherche. L’entente de recherche devrait préciser de quelle façon seront éliminées les divergences qui pourraient se révéler au cours de la réalisation du projet de recherche.

Dans les communautés des Premières Nations, l’application des principes de propriété, contrôle, accès et possession (PCAP) peut avoir une incidence sur le respect de la vie privée et la confidentialité des renseignements identificatoires associés aux personnes et aux communautés concernées. Dans le cadre de l’Enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières Nations, administrée par des organismes régionaux des Premières Nations, l’équilibre entre la confidentialité et l’accès aux données a été obtenu en demandant aux communautés de confier la conservation des données à un organisme régional, et ce sont les autorités locales qui décident qui peut avoir accès aux données et à quelles conditions. En pratique, l’organisme qui agit comme gestionnaire des données évalue les demandes d’information, et les recommandations qu’il soumet aux autorités des communautés autochtones ont beaucoup d’influence.

Quelle que soit la nature de la recherche, elle doit comporter des mesures pour protéger la vie privée des participants et la confidentialité des données recueillies. Les petites communautés autochtones se caractérisent par des réseaux de relations très serrés. Le codage des données personnelles est donc souvent insuffisant pour dissimuler l’identité des personnes, même lorsque les données sont agrégées. Certains participants autochtones hésitent à parler à des intervieweurs provenant de leur communauté parce qu’ils veulent protéger leur vie privée. Les communautés elles-mêmes ont des caractéristiques distinctives, ce qui, dans certains cas, a compromis les efforts déployés pour ne pas révéler les lieux visés par la recherche, et a mené à la stigmatisation de communautés entières.

Par ailleurs, dans certaines recherches en sciences humaines, l’importance de l’information est liée à l’identité de la source. Dans ce cas, il convient de révéler le nom de la source, avec le consentement des personnes concernées. Si des participants renoncent à l’anonymat, les chercheurs devraient veille à documenter leur renonciation (notes d’application de l’article 5.1 et article 9.11). Les communautés partenaires pourraient souhaiter que leur contribution à la recherche soit reconnue (p. ex. dans le rapport de recherche).

Les recherches avec des participants ayant subi des expériences traumatisantes (p. ex. d’anciens élèves de pensionnats), risquent de traumatiser les participants de nouveau. Les chercheurs devraient prévoir ces risques à l’étape de l’élaboration de leur projet, et s’appuyer sur les protocoles culturels pour déterminer les besoins éventuels des participants et leur offrir un accès à un conseiller spécialisé en traumatisme.

Les mesures de protection de la vie privée en recherche sont en pleine évolution. Le respect et l’acceptation des priorités des Premières Nations, des Inuits et des Métis en ce qui concerne la propriété commune des produits de la recherche et l’accès aux données pour la communauté devraient orienter les pratiques de recherche – conformément aux lois fédérales, provinciales et territoriales sur la protection de la vie privée.

Interprétation et diffusion des résultats de recherche

Article 9.17

Les chercheurs devraient donner aux représentants de la communauté qui participent à une recherche concertée l’occasion de participer à l’interprétation des données et à l’examen des résultats de la recherche avant l’achèvement du rapport final et de toute autre publication pertinente découlant du projet.

Application

Dans le cas des recherches concertées, les chercheurs devraient veiller à assurer des communications continues avec la communauté participante. Il se peut que les communautés territoriales, organisationnelles ou d’intérêts qui participent à des recherches concertées considèrent qu’il est essentiel d’examiner et d’approuver les rapports et les publications scientifiques pour en valider les résultats, corriger toute inexactitude culturelle et assurer le respect du savoir de la communauté (ce qui peut impliquer certaines restrictions de divulgation). Les chercheurs devraient intégrer les suggestions des représentants de la communauté dans la publication. En cas de désaccord persistant entre les chercheurs et la communauté sur l’interprétation des données, les chercheurs devraient a) donner à la communauté l’occasion de faire connaître son point de vue ou b) rapporter fidèlement tout désaccord au sujet de l’interprétation des données dans leurs rapports et leurs publications. Cela ne signifie pas que la communauté a le droit de bloquer la publication des résultats. Il s’agit plutôt de donner l’occasion à la communauté de mettre les résultats en contexte.

Les rapports finaux doivent être mis à la disposition de la communauté territoriale, organisationnelle ou d’intérêts participante. Les chercheurs et les communautés devraient déterminer s’il y a lieu de traduire, de résumer en langage clair ou de présenter oralement les résultats de recherche aux membres de la communauté, afin de les rendre accessibles à la communauté.

La communauté autochtone et les personnes qui ont participé au projet de recherche devraient avoir la possibilité de participer aux décisions quant au mode de reconnaissance et de mention des contributions collectives et individuelles au projet au moment de la diffusion des résultats (p. ex. mention des coauteurs dans les rapports de recherche ou lors de colloques et de congrès).

Propriété intellectuelle liée à la recherche

Article 9.18

Lors de travaux de recherche concertée, les chercheurs, les communautés et les établissements devraient discuter des droits de propriété intellectuelle. La cession de droits ou l’attribution de licences et la détermination des intérêts dans le matériel qui pourraient découler de la recherche devraient être précisées dans l’entente de recherche, s’il y a lieu, avant la réalisation de la recherche.

Application

Les chercheurs, les communautés et les établissements devraient être conscients que toutes les connaissances et tous les renseignements ne sont pas nécessairement protégés par les lois existantes. Les lois sur la propriété intellectuelle existantes protègent généralement les oeuvres et les inventions. Les droits de propriété intellectuelle sont définis selon des critères stricts. Il revient aux communautés, aux chercheurs et aux établissements de déterminer conjointement ce qui constitue une propriété intellectuelle dans le contexte de la recherche en vertu de la Politique.

Au moment d’entreprendre une recherche guidée par la participation de la communauté, les chercheurs, les établissements et les communautés pourraient devoir aborder les questions relatives à l’accès aux données et à l’utilisation des données dans le cadre de la recherche ou dans la diffusion des résultats du projet. En ce qui concerne l’accès aux données et leur utilisation, une entente de recherche pourrait préciser les conditions applicables à la divulgation de renseignements personnels ou confidentiels (sous réserve des exigences applicables prévues par les lois et les règlements et des lignes directrices énoncées au Chapitre 5). Elle pourrait notamment permettre l’examen, avant leur publication, des rapports et des publications découlant des travaux de recherche, ou limiter la diffusion ou la consultation des résultats de la recherche (sous réserve des lois applicables). L’entente devrait aussi comprendre des dispositions sur l’utilisation secondaire prévue des renseignements ou du matériel biologique humain recueillis et des données associées. Elle pourrait aussi définir les intérêts, les licences et les cessions en matière de droits d’auteurs découlant des publications liées au projet de recherche ou fondées sur celui-ci (articles 9.8, 9.11 et 9.16).

Certaines connaissances recueillies dans le cadre d’une recherche pourraient avoir des applications commerciales et mener à la mise au point de produits commercialisables. En ce qui concerne la commercialisation des résultats d’une recherche concertée, les chercheurs et les communautés devraient discuter et convenir de l’utilisation, de l’attribution ou de l’autorisation d’exploitation de toute propriété intellectuelle (brevets, droit d’auteur, etc.) associée au produit commercialisable, et documenter les décisions à cet égard dans une entente. Si le projet de recherche a des objectifs commerciaux explicites ou des liens, directs ou indirects, avec le secteur commercial, les chercheurs et les communautés pourraient souhaiter intégrer aux ententes de recherche des dispositions relatives aux utilisations commerciales prévues. Ces dispositions devraient être clairement communiquées à toutes les parties à l’avance, conformément au processus de consentement.

Les chercheurs devraient consulter le bureau de la recherche de leur établissement avant de signer une entente de recherche comprenant des dispositions sur la propriété intellectuelle. Ils devraient également consulter la documentation du programme ou les politiques sur la propriété intellectuelle et le droit d’auteur adoptées par les organismes de recherche fédéraux, à savoir le CRSH, le CRSNG et les IRSC, accessibles sur le site Web de chacun de ces organismes, et demander un avis juridique s’il y a lieu.

Collecte de matériel biologique humain auprès des peuples des Premières Nations, des Inuits ou des Métis

Article 9.19

Dans le cadre du processus de participation de la communauté, les chercheurs doivent préciser, dans l’entente de recherche, les droits et les intérêts propriétaux des personnes et des communautés, le cas échéant, à l’égard du matériel biologique humain et des données associées qui seront recueillis, entreposés et utilisés au cours des travaux de recherche.

Application

La loi canadienne ne reconnaît pas clairement les droits de propriété concernant le matériel biologique humain. Cependant, les chercheurs devraient savoir que les peuples et les communautés autochtones pourraient demander à exercer un contrôle sur les données recueillis et le matériel biologique humain prélevé pour la recherche, et à y avoir accès. Selon la vision du monde des Autochtones sur l’« intégralité corporelle », toutes les parties et tous les produits du corps humain sont sacrés et ne peuvent pas être aliénés. Conformément aux articles 9.8 et 9.11 et au Chapitre 12, les chercheurs et les communautés devraient préciser dans l’entente de recherche :

Conformément aux articles 12.1 et 12.2, les chercheurs doivent solliciter le consentement des personnes qui sont invitées à faire don de matériel biologique.

Utilisation secondaire de renseignements ou de matériel biologique humain pouvant être identifiés comme provenant de communautés ou de peuples des Premières Nations, des Inuits ou des Métis

La réticence actuelle à l’égard de l’utilisation secondaire de données recueillies à des fins approuvées découle de cas de représentations trompeuses des peuples autochtones et d’utilisation de données et de matériel biologique humain à l’insu de la communauté source ou sans le consentement des participants, et de l’omission de présenter les résultats de recherche aux communautés concernées. À titre d’exemple, des membres des communautés Nuu-chah-nulth, en Colombie-Britannique, ont fourni des échantillons de sang pour une recherche sur les maladies rhumatismales. Ils ont fortement protesté, par la suite, contre l’utilisation ultérieure de composants de leur sang pour des recherches en génétique non autorisées. De plus, les communautés des Premières Nations craignent que l’accès aux données sur la santé, à des fins non thérapeutiques, facilite une surveillance gouvernementale non autorisée.

Avant d’entreprendre une recherche comportant l’utilisation secondaire de renseignements pouvant être identifiés comme provenant d’une communauté particulière des Premières Nations, des Inuits ou des Métis, ou d’un segment de la communauté autochtone en général, les chercheurs doivent, en discutant au besoin avec la communauté, prévoir des façons d’éviter les risques d’identification de communautés par inadvertance ou de mauvais usage des connaissances traditionnelles. Les exigences concernant le consentement des participants à l’utilisation secondaire des renseignements identificatoires sont énoncées aux articles 9.20 et 9.21.

Article 9.20

L’utilisation secondaire de renseignements ou de matériel biologique humain pouvant être identifiés comme provenant d’une communauté ou d’un peuple autochtone doit faire l’objet d’une évaluation par un CER.

Avant d’entreprendre l’utilisation secondaire de données ou de matériel biologique humain et des renseignements identificatoires associés, les chercheurs doivent consulter la communauté dont ils proviennent dans les cas suivants :

  1. l’utilisation secondaire n’a pas fait l’objet d’une entente de recherche et n’a pas été autorisée par les participants dans leur consentement individuel d’origine;
  2. il n’existe aucune entente de recherche;
  3. les données ne sont pas accessibles au public ou accessibles légalement.

Le consentement individuel des participants à l’utilisation secondaire des renseignements identificatoires est requis, sauf si le CER convient que l’article 5.5A ou l’article 12.3A s’applique.

Application

Si un chercheur est en mesure de convaincre le CER que l’utilisation secondaire est conforme à une entente de recherche existante, le CER peut exiger que le chercheur obtienne la participation de la communauté qui est à l’origine des données ou du matériel biologique humain et des renseignements identificatoires associés, conformément aux dispositions de l’entente de recherche. Il n’est pas nécessaire d’obtenir de nouveau les consentements individuels pour l’utilisation secondaire si le CER autorise l’utilisation secondaire proposée conformément à la Politique.

Article 9.21

Si la recherche repose uniquement sur des renseignements accessibles au public qui sont protégés par la loi, ou sur de l’information du domaine public sans attente en matière de respect de la vie privée, comme le définit l’article 2.2, la participation de la communauté n’est pas nécessaire. S’il est possible de déterminer que les renseignements proviennent d’une communauté particulière ou d’un segment de la communauté autochtone en général, il pourrait être utile de consulter des intervenants bien au fait de la culture de cette communauté pour déterminer les avantages potentiels et les risques pour la communauté source.

Application

Les recherches qui reposent uniquement sur des renseignements accessibles au public qui sont protégés par la loi, ou sur de l’information du domaine public sans attente en matière de respect de la vie privée, comme le définit la Politique, ne comportent pas de collecte de données directement auprès de communautés ou de personnes vivantes. Comme il est indiqué au Chapitre 2, l’évaluation par un CER n’est pas nécessaire pour ce type de recherche. La participation de la communauté n’est pas nécessaire. Les recherches historiques ou généalogiques, ou les analyses statistiques en sont des exemples.

Dans ce type de recherche, il se peut que les chercheurs n’aient pas de relation directe avec les communautés. Les résultats des recherches peuvent toutefois avoir des conséquences sur l’identité ou le patrimoine de certaines personnes ou communautés.

Afin de réduire au minimum les préjudices éventuels, les chercheurs devraient demander conseil à une personne bien au fait de la culture en cause avant d’utiliser ces données, pour savoir si elles risquent d’entraîner des préjudices et s’il y a lieu de considérer d’autres éléments, comme le partage des résultats de la recherche avec la communauté à l’origine des données (article 9.15).

Une évaluation doit être réalisée par le CER lorsque l’accès à des renseignements accessibles au public qui sont protégés par la loi, ou à de l’information du domaine public sans attente en matière de respect de la vie privée, entraîne de nouvelles initiatives de recherche comportant la collecte de renseignements supplémentaires auprès des communautés ou de personnes identifiées. Les dispositions énoncées à l’article 5.6 s’appliquent aux nouvelles initiatives de ce type.

Article 9.22

Une évaluation par le CER est nécessaire lorsque le chercheur se propose de procéder à un couplage de plusieurs ensembles de données anonymes ou de données associées à du matériel biologique humain, et que cette démarche peut raisonnablement produire des renseignements pouvant être identifiés comme provenant d’une communauté autochtone particulière ou d’un segment de la communauté autochtone en général.

Application

Le CER peut déterminer qu’il faut discuter avec la communauté pour obtenir des conseils sur l’utilisation secondaire. Les articles 5.5A et 5.6 ou les articles 12.3A ou 12.4 peuvent s’appliquer.

Conformément à l’article 2.4, une évaluation par le CER n’est pas nécessaire pour les recherches qui ne comportent que des ensembles de données anonymes ou du matériel biologique humain anonyme, et les données associées, qui ne peuvent pas être identifiés comme provenant d’une communauté autochtone particulière ou d’un segment de la communauté autochtone. La participation de la communauté n’est pas possible puisque les données et le matériel biologique humain ne peuvent pas être liés à une communauté autochtone ou à des personnes précises. Lorsque le chercheur se propose de procéder à un couplage de plusieurs ensembles de données anonymes ou de matériel biologique humain anonyme, et que cette démarche peut raisonnablement produire des renseignements identificatoires, une évaluation par un CER est nécessaire.

Références

Initiative sur l’éthique de la recherche avec des Autochtones du Groupe consultatif interagences en éthique de la recherche, Enjeux et options concernant les révisions à l’Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains : Chapitre 6 – La recherche avec des peuples autochtones, 2008.

Instituts de recherche en santé du Canada, Lignes directrices des IRSC pour la recherche en santé chez les peuples autochtones, 2007. Page consultée le 29 juin 2018.

Instituts de recherche en santé du Canada, Pratiques exemplaires des IRSC en matière de protection de la vie privée dans la recherche en santé, 2005. Page consultée le 29 juin 2018.

Le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, Ownership, Control, Access and Possession (OCAP™): The Path to First Nations Information Governance [ PDF (484 Ko) - lien externe (en anglais seulement) ], 2014. Page consultée le 7 août 2018.

Le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations, Enquête régionale sur la santé des Premières Nations (ERS). Page consultée le 25 octobre 2018.

Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) et Institut de recherche du Nunavut (IRN), Negotiating Research Relationships with Inuit Communities: A Guide for Researchers [ PDF (1,3 Mo) - lien externe (en anglais seulement) ], 2007. Page consultée le 7 août 2018.

Nickels S et Knotsch C. Inuit perspectives on research ethics: The work of Inuit Nipingit, Etudes Inuit Studies [ PDF (1 Mo) - lien externe (en anglais seulement) ], Études/Inuit/Studies. 2011; 35 (1-2). Page consultée le 2 août 2018.

Commission royale sur les peuples autochtones, Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, « Code d’éthique en matière de recherche ». Annexe E. Dans Volume 5, Vingt ans d’action soutenue pour le renouveau [ PDF (1,65 Mo) - lien externe ], Ottawa : Groupe Communication Canada, 1996. Page consultée le 2 août 2018.

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