Proposition de révision des lignes directrices pour l’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités

1. But

Le Groupe en éthique de la recherche des trois organismes propose des lignes directrices afin d’exiger une évaluation harmonisée de l’éthique de la recherche à risque minimal relevant de plusieurs autorités. L’objectif de ces lignes directrices est de promouvoir l’évaluation rapide de la recherche tout en maintenant des mécanismes de protection appropriés pour les participants à la recherche. Ces lignes directrices peuvent également s’appliquer à la recherche présentant un risque plus que minimal.

2. Contexte

L’Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains (EPTC) oblige les chercheurs et les membres des comités d’éthique de la recherche (CER) « à trouver un équilibre parfois délicat entre les deux objectifs principaux qui consistent à assurer la protection des participants et à respecter les exigences légitimes de la recherche » (chapitre 1, section B, Conclusion). Parvenir à un tel équilibre représente un défi particulier lorsque plusieurs établissements admissiblesNote en bas de page 1 ou CER entretiennent un lien avec la recherche.

Or, l’EPTC de 1998 ne comportait pas de lignes directrices détaillées sur l’évaluation de la recherche relevant de plusieurs autorités. La version de 2010 a ajouté un chapitre autorisant explicitement de multiples modèles pour l’évaluation de l’éthique de la recherche mettant en cause plusieurs centres ou CER. Aujourd’hui, le Canada dispose d’un certain nombre d’initiatives fructueuses à l’échelle des disciplines, des provinces ou des régions qui prévoient une évaluation harmonisée de l’éthique dans le cas de la recherche faisant intervenir plusieurs centres. Parmi certains des exemples établis figurent des modèles organisés par autorité (recherche en santé au Québec, recherche en santé à Terre-Neuve-et-Labrador), par discipline (comité d’éthique de la recherche sur le cancer en Ontario, Essais cliniques Ontario, essais cliniques en oncologie pédiatrique entre le Centre de soins de santé IWK et la Régie de la santé de la Nouvelle-Écosse, la Régie de la santé de l’Île-du-Prince-Édouard et des régies régionales de la santé du Nouveau-Brunswick) ou par région (entente d’harmonisation entre trois universités de l’ouest, soit l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de l’Alberta et l’Université de la Saskatchewan). D’autres en sont à l’étape de planification (à titre d’exemple, citons le projet CHEER pour la recherche pédiatrique au pays)Note en bas de page 2.

Malgré tout, de nombreux établissements n’ont pas établi de mécanismes d’évaluation de l’éthique de la recherche relevant de plusieurs autorités ou ne prennent pas part à de tels mécanismes. En effet, plutôt que de procéder ainsi, ces établissements évaluent toutes les recherches réalisées sous leurs auspices, même lorsqu’ils n’agissent pas à titre d’établissement d’accueil ou de centre principal de la recherche. L’un des facteurs qui contribuent indiscutablement à l’adoption de cette approche tient à l’énoncé que l’on retrouve dans l’EPTC2 selon lequel « [c]chaque établissement est responsable des recherches menées sous son autorité ou sous ses auspices » (article 6.1, Application). Un autre facteur tient vraisemblablement à l’interprétation large retenue par le Groupe en éthique de la recherche des trois organismes et par le Secrétariat sur la conduite responsable de la recherche quant à ce qui constitue des recherches menées sous l’autorité ou sous les auspices d’un établissement.

Toutefois, il ne semble pas y avoir d’élément probant établissant que de multiples évaluation de l’éthique améliorent la protection offerte aux participants à la recherche. Par ailleurs, ces évaluations multiples imposent un fardeau important et des retards aux chercheurs et aux participants éventuels. Nombre de chercheurs sont d’avis qu’elles peuvent freiner inutilement les progrès de leurs travaux. Si tel est le cas de la recherche à risque minimal, il en va sans doute de même pour la recherche présentant un risque plus que minimal.

Il apparaît désormais que les lignes directrices additionnelles que l’on retrouve dans l’EPTC2 n’ont pas été suffisantes pour augmenter le recours à des approches plus harmonisées à l’égard de l’évaluation de l’éthique. Fort d’une décennie d’expérience avec l’EPTC2, le Groupe en éthique de la recherche des trois organismes est d’avis que le moment est venu d’établir de nouvelles lignes directrices qui imposent que l’on s’éloigne du modèle selon lequel chaque centre concerné évalue les études relevant de plusieurs autorités au profit d’un modèle d’évaluation unique pour plusieurs centres, à moins que la situation locale ne justifie un niveau d’attention additionnel.

Pour le moment, il est proposé que ces lignes directrices ne revêtent un caractère obligatoire que pour la recherche à risque minimal et qu’elles soient facultatives pour la recherche présentant un risque plus que minimal. Les exemples d’évaluation harmonisée de l’éthique susmentionnés ne se limitent pas à la recherche à risque minimal. Notons cependant que ces exemples sont le fruit d’ententes formelles dont la négociation a demandé du temps. Un travail similaire pourrait s’avérer nécessaire pour faire appliquer l’évaluation harmonisée de l’éthique à la recherche présentant un risque plus que minimal.

3. Lignes directrices

3.1 Quel est le fondement stratégique d’une évaluation unique de la recherche relevant de plusieurs autorités?

Tous les établissements aptes à administrer des fonds d’un organisme doivent se conformer à l’EPTC. Par conséquent, tous les chercheurs qui travaillent au sein des établissements admissibles doivent appliquer un ensemble commun de principes en matière d’éthique à la planification et à la réalisation de leur recherche. De la même façon, tous les CER doivent procéder à une évaluation de la recherche en se fondant sur ces mêmes lignes directrices et principes communs en matière d’éthique. L’élément moteur qui sous-tend ces lignes directrices est l’approche proportionnelle de l’évaluation de l’éthique de la recherche (chapitre 1, section C) : « Il s’agit plutôt d’assurer le maintien d’une protection adéquate des participants tout en réduisant les obstacles inutiles et en facilitant la réalisation d’une recherche éthique. »

Une évaluation unique de la recherche à risque minimal ne devrait pas mettre en péril la protection des participants. Les chercheurs sont les premiers à tenir compte de la protection des participants lorsqu’ils planifient leurs travaux de recherche. Ils doivent notamment prendre en considération l’incidence qu’auront ces travaux sur les participants à chacun des centres envisagés. L’évaluation par un CER unique offre une deuxième occasion de tenir compte de l’impact éthique de la recherche sur tous les participants à chacun des centres. Les lignes directrices proposées se fondent sur la conviction selon laquelle une évaluation unique et exhaustive de l’éthique de la recherche à risque minimal devrait, dans la vaste majorité des cas, suffire pour offrir une protection appropriée aux participants.

Le Cadre de référence des trois organismes sur la conduite responsable de la recherche (le Cadre de référence sur la CRR) prévoit également un mécanisme de responsabilité partagée pour la conduite responsable des chercheurs, ainsi que la surveillance appropriée de la recherche par les établissements. Conjointement, les principes communs et le cadre de responsabilité partagée établissent une base solide à partir de laquelle les établissements peuvent accepter l’évaluation des CER des autres établissements admissibles.

3.2 Quelle est la portée de ces lignes directrices?

Les présentes lignes directrices sont obligatoires pour toute recherche à risque minimal menée sous les auspices de plusieurs établissements. Sont notamment incluses :

On s’attend à ce qu’un CER évaluateur unique réalise l’évaluation de l’éthique. La décision et les raisons du CER évaluateur, de même que les documents finaux de l’étude telle qu’approuvée, seraient ensuite rendues accessibles aux CER de tous les centres pour leur permettre de reconnaître la décision du CER évaluateur. Idéalement, une seule personne dans chaque CER serait chargée de passer en revue et de reconnaître ces décisions. Il pourrait s’agir d’un membre ou d’un administrateur de l’éthique de la recherche ayant l’expérience, l’expertise et les connaissances appropriées (article 6.4, Application)Note en bas de page 3. Tant les chercheurs (équipe de recherche) que le CER évaluateur doivent tenir compte des circonstances locales (c.‑à‑d. des circonstances propres à chaque centre concerné, par exemple si un centre compte des participants dont le profil démographique, linguistique ou culturel est potentiellement différent de celui des participants des autres centres) à l’étape de la planification de l’étude et de l’évaluation, respectivement. Si un CER local constate que des circonstances locales ou des enjeux de fond ont été omis, il devrait porter l’omission à l’attention du CER évaluateur afin qu’il puisse se pencher sur la question. L’intention est de faire en sorte que le CER évaluateur soit le seul CER qui puisse apporter des modifications aux conditions de l’approbation éthique.

La portée de ces lignes directrices pourrait être étendue à la recherche présentant un risque plus que minimal, conformément aux politiques des établissements concernés, ou selon les exigences d’une entente officielle ou de la loi (voir la section finale).

3.3 À qui incombe la responsabilité de l’évaluation de l’éthique de la recherche à risque minimal comportant la participation de plusieurs établissements?

Le CER évaluateur est le comité d’éthique de la recherche qui dispose du pouvoir de mener l’évaluation. Ce CER évaluateur, qui doit provenir d’un établissement admissible, est responsable de la réalisation de l’évaluation de l’éthique. En général, le CER du chercheur principal est le CER évaluateur. Il se pourrait cependant qu’un autre CER agisse à titre de CER évaluateur; à titre d’exemple, il pourrait s’agir du CER qui dispose de l’expertise la plus étendue sur le thème de la recherche, de celui qui se trouve au centre le plus proche de l’endroit où s’effectue le recrutement pour la recherche, ou d’un CER qui dispose d’un lien important similaire avec l’étude. Si l’équipe de recherche est d’avis que le CER évaluateur devrait être d’un établissement autre que celui du chercheur principal, c’est à ce dernier qu’incombe la responsabilité de justifier à son CER d’accueil en quoi un autre CER conviendrait mieux à l’étude. Le chercheur principal serait également tenu de démontrer que l’autre CER est disposé à agir à titre de CER évaluateur.

Normalement, les CER locaux reconnaissent la décision du CER évaluateur. Exceptionnellement, il se pourrait qu’un CER local invite le CER évaluateur à revoir sa décision en raison de circonstances locales ou d’enjeux de fond qui n’ont pas été pris en considération. Voici quelques exemples de circonstances locales qui pourraient justifier que l’on invite le CER évaluateur à revoir sa décision :

3.4 Quel est le processus auquel doivent se conformer les chercheurs et les CER locaux?

Les chercheurs devraient fournir aux établissements en cause l’ensemble de la documentation relative à l’étude, de même qu’une preuve de l’approbation éthique du CER évaluateur, et la version définitive de la demande approuvée par ce CER. La personne désignée au sein de chaque CER local devrait examiner ces documents et déterminer s’il existe des circonstances locales ou des enjeux de fond qui nécessitent une évaluation plus approfondie de la part du CER évaluateur. En l’absence de tels enjeux ou circonstances, le CER local devrait reconnaître l’approbation éthique du CER de l’établissement d’accueil.

En présence de circonstances locales ou d’enjeux de fond devant être examinés, en revanche, le CER local doit porter ces éléments à l’attention du CER évaluateur. Les CER sont encouragés à communiquer entre eux puisqu’il pourrait exister une façon de résoudre informellement certains des problèmes qui se manifestent durant le processus d’évaluation de la recherche relevant de plusieurs autorités. Si les CER locaux soulèvent bel et bien des enjeux de fond, ne serait-ce que des enjeux touchant seulement les participants de leur centre, le CER évaluateur doit se pencher sur ceux-ci en consultation avec le CER les ayant signalés.

Le CER évaluateur est chargé d’établir un échéancier pour la présentation des documents nécessaires par les chercheurs ainsi que pour reconnaître les conclusions de l’évaluation par les CER locaux. D’ordinaire, les CER locaux devraient mener à bien leur processus et produire une lettre ou un avis de reconnaissance de l’évaluation dans les trois semaines suivant la réception de la trousse complète du chercheur, qui comprend la décision du CER évaluateurNote en bas de page 4.

Une fois que le CER évaluateur a terminé son évaluation de l’éthique et pris une décision, c’est au chercheur qu’incombe la responsabilité de faire parvenir cette décision et les documents approuvés et définitifs connexes aux CER locaux de tous les établissements participant à la recherche. Une fois que les CER locaux ont reconnu l’approbation du CER évaluateur, le chercheur doit faire parvenir une preuve de cette reconnaissance au CER évaluateur. En outre, toute autre décision prise par le CER évaluateur en cours de recherche doit être communiquée aux CER locaux, et cette responsabilité revient au chercheur.

Aucune entente officielle entre les établissements n’est nécessaire pour mettre en œuvre le processus susmentionné.

3.5 En quoi ces lignes directrices s’appliquent-elles à l’évaluation de l’éthique visant la recherche présentant un risque plus que minimal et comportant la participation de plusieurs établissements?

Bien que ces lignes directrices soient obligatoires dans le cas de la recherche à risque minimal, les établissements peuvent également les appliquer à la recherche présentant un risque plus que minimal. Le même fondement stratégique qui s’applique à une évaluation unique d’études à risque minimal relevant de plusieurs autorités demeure valable pour les études présentant un risque plus que minimal. Les mêmes procédures que celles décrites précédemment pourraient dès lors être appliquées à la recherche présentant un risque plus que minimal et relevant de plusieurs autorités. Un CER évaluateur unique se chargerait alors de l’évaluation principale de l’éthique, laquelle devrait constituer, en général, la seule évaluation de l’éthique. Dans le cas de la recherche présentant un risque plus que minimal, cependant, il y a un risque accru qu’un enjeu omis ait un impact important sur le bien-être des participants. Pour cette raison, les CER locaux devraient avoir l’occasion d’effectuer leur propre évaluation. Une solution consiste à prévoir une période désignée pour l’évaluation locale, après réception de l’évaluation principale, par exemple de quatre à six semaines.

Dans les situations où tous les CER locaux n’ont pas terminé leur évaluation, la recherche peut débuter dans les autres centres, si cela s’avère approprié dans le contexte de l’étude en question (par exemple, si l’inclusion du centre n’est pas essentielle pour répondre à la question faisant l’objet de l’étude). La recherche ne peut débuter à un centre tant que l’évaluation n’est pas complétée.

Les chercheurs et les CER doivent se demander si les différents centres présentent une prépondérance de similarités plutôt que des caractéristiques qui nécessiteraient une évaluation locale. À cet égard, il est utile de tenir compte des exemples donnés précédemment de facteurs qui justifieraient une évaluation locale :

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